dimanche 29 janvier 2023

Haddon Hall & Les États-Unis

David Bowie reçoit sa toute première lettre d'un(e) fan des États-Unis. Ça lui arrive comme une surprise. Sa carrière est en à peine florissante. Son second album vient d'être lancé et en Angleterre, pratiquement personne n'a remarqué son existence. Alors les États-Unis ? New Mexico? Bowie a l'impression que sa bouteille à la mer a été lue. Il est si impressionné qu'il s'assoit tout de suite au bureau de Ken Pitt et répond à Sandra, 14 ans:

"Cher Sandra, 

Il y a quelques minutes je recevais ma toute première lettre de fans américaine. Et c'était de toi. J'étais si heureux que je devais répondre tout de suite. J'attendais des réactions de gens d'Amérique. Mais elles m'arrivaient  uniquement par des critiques professionnels qui ne reflétaient aucunement le public. Pour répondre à tes questions, mon vrai nom est David Jones. Mon anniversaire est le 8 janvier, et je pense mesurer 5 pieds 10. Il existe un fan club, ici, en Angleterre, mais si tout va bien, il y en aura aussi un, aux États-Unis. Il est encore un peu tôt pour y penser. J'espère me rendre en Amérique un jour. Mon gérant m'en parles beaucoup car il y a été souvent. Merci d'être si gentille et de m'avoir écrit. Et svp réécris-moi afin de m'en dire plus sur toi. 

Sincèrement vôtre, David Bowie. "

Bowie sera prêt bientôt pour les États-Unis. Mais ceux-ci seront-ils prêts pour lui ?

À l'été 1969, Bowie avait besoin d'un nouveau logis. Ça ne fonctionne plus avec Mary Finnegan, Angie propose un ménage à trois et Mary n'est pas d'accord. Angie cherche agressivement, fait tout agressivement, et trouve. Elvis Presley, jumeau cosmique de Bowie avait Graceland, Bowie aurait Haddon Hall. 

L'imposant manoir de plus de 30 chambres avait perdu de son luxe depuis qu'il était converti en appartements de banlieue, mais la vibe funky y était restée. Ça ressemblait à une maison hantée et pour tout dire, on croit y avoir senti la présence du fantôme d'une jeune femme, certaines nuits.  On ne paie que 7 livres par semaine, on a un air gothique dans l'oeil. Certains appellent l'endroit, la maison de campagne de Dracula. Haddon Hall est l'espace parfait pour Angie & David pour vivre ce qui s'en vient. On décore avec ce que les marchés aux puces jettent. On récupère ici et là. Mais les parents à Angie aident un peu. Et le jeune couple ajoute ses propres touches personnelles. Ils peinturent les murs et les plafonds de différentes teintes de vert, de rose et d'argent. David fait un collage de femmes nues dans la salle de bain. Quand les royautés de Space Oddity commencent à entrer, on fréquente les antiquaires on se magasine des lampes art-déco et un lit gigantesque de plus de 7 pieds. 

David se construit un espace de travail. Il convertit un espace sous les escaliers de l'immense entrée, un ancien cellier à vin, en studio de pratique et d'enregistrement. Là, il travaillera ses chansons des prochaines années. Souvent avec l'aide de son ami Tony Visconti, qui aime tant les lieux qu'il se prend aussi un appartement. Haddon Hall devient le centre de gravité pour David et son entourage. Lui servant de maison, de bureau et d'incubateur artistique privé. C'était ici qu'il allait créer de la musique. Que les journalistes seraient reçus, que les costumes seraient travaillés, que tout serait pensé. 

David était surexcité par les lieux, mais pas par les ventes de son premier album. Autour de 5000 copies, en Angleterre. Encore moins en Amérique. On aimait Space Oddity, mais on trouvait que le reste manquait de focus. David voulait au moins un succès critique, mais même ça, lui échappait. Mais ceci était aussi en raison des erreurs de gérance de son équipe. Bowie organise à l'automne une performance privée pour journalistes, gens de l'industrie et amis. Il se donne en spectacle, donne tout ce qu'il a, pour ensuite réaliser que Calvin Mark Lee a oublié d'inviter tous les journalistes. Bowie est si furieux qu'il le cancelle de son entourage. Mais le dommage est fait. Major Tom est égaré dans l'espace pour vrai. Il est désespéré.

Angie se démène pour lui. Entre l'aide artistique et la gérante, elle agace le vrai gérant, Ken Pitt. Et vice-versa. Ken la voit comme une opportuniste étouffée par son ego, suçant le talent de son client, et déséquilibrant ses stratégies à lui pour le promouvoir. Angie voit Ken, pour reprendre ses mots, comme un lourd albatros mort dont les techniques de vieux ringard n'avantageait aucunement son amoureux avant-gardiste. Les deux avaient raison. Et tort. Le degré d'influence d'Angie sur Bowie a été exagéré au travers des années, souvent par elle-même. Mais son rôle comme organisatrice et débroussailleuse est irréfutable. À plusieurs égards, elle hérite du rôle de conseiller artistique qu'avait le père de David, John, récemment décédé. David lui fait extrêmement confiance. Maintenant, Angie, cette Étatsunienne à la grande gueule, sans formation de gérance, lui trouvait des clubs où performer, et elle conseillait agressivement dans la présentation du Bowie. Elle l'encourageait à renverser les genres et les rôles traditionnels. Elle se gardait les cheveux très courts et portait le pantalon au sens propre et figuré et David portait le cheveux long et des robes. Techniquement des longs manteaux. Elle choisit du linge pour David qui pige souvent dans sa garde-robe. Elle est souvent susceptible d'exploser de rage. Vivre avec elle, dira David plus tard, était comme vivre avec un lance-flamme. On pouvait facilement s'y brûler. 

C'était l'idée d'Angie de poser une ligne téléphonique à Haddon Hall pour les affaires commerciales de David. Mais la ligne est trop souvent occupée par la mère de David qui est devenue excessivement exigeante depuis la mort de son mari. Sa relation avec Peg ne s'améliore pas. Ses constantes accusations que le couple, non marié, vivait dans le péché. commençaient à peser lourd pour Angie qui prendra un mois de vacances avec ses parents, dans le temps des fêtes, 1969. David lui écrira une étonnante promesse de mariage, lui qui ne croit pas à l'amour traditionnel et souhaite une union très libre. Il avait averti Angie dès le début de leur relation, qu'il ne serait pas le genre à lui dire je t'aime ou encore à respecter la monogamie. Angie était d'accord. Elle n'était pas étrangère aux déviations de la normalité. Angie comprendra , adéquatement je pense, qu'avec David, c'était davantage un arrangement d'affaires qu'un amour. Les problèmes d'immigration jouaient aussi un grand rôle dans l'idée de se marier. Angie avait besoin d'être mariée si elle voulait rester en Angleterre et non déportée et David voulait aussi être marié à une Étatsunienne comme clé pour l'Amérique. 

Ils se marient au bureau de l'état civil de Bromley et pour David, ce n'est qu'une technicalité. Angie s'achète une robe des années 20 la veille et est, en revanche, surexcitée. Au lieu de s'échanger des bagues, ils s'échangent des bracelets péruviens. Ils se sont fait un cérémonieux ménage-à-trois la veille, et fêtent si tard, qu'ils manquent presque leur rendez-vous marital en arrivant en retard. Ils sont surpris d'y trouver Peg, la mère de David, qui n'avait pas été avisée du mariage. Ken Pitt, n'est pas invité. Il n'y a que quelques amis. On dit que cette nuit là, on a fait un ménage...à 5!

Dans les jours qui suivront, David présentera son épouse en disant qu'elle lui trouve des Femmes et lui, lui trouve des hommes. 

La mort de son père, le déménagement à Haddon Hall, le promotion de Space Oddity, David n'a pas le temps de trop travailler sa musique. Une des rares chansons composées l'est pendant qu'Angie est en vacances avec ses parents. Une chanson pour elle: The Prettiest Star. Enregistrée le 8 janvier 1970, pour les 23 ans de David, le single fera patate avec autour de 800 ventes. Mais Bowie vient de lancer un premier morceau dans une décennie qu'il apprendra à dominer.   

Le 2 février 1970, David Bowie et son band, The Hype, ouvrent la porte du glam rock. À cette époque, on est sur scène, mais on est aucunement différents des gens dans la salle. On est en Jeans, en complet, en chemise, comme un spectateur. Mais sur scène avec des instruments. David veut autre chose. Il choisit de se présenter déguisé en Rainbow Man. Tony Visconti est déguisé en super-héros. Un gangster dans un costume en or et un cowboy complètent le band. Tous des costumes signés Angie Bowie. Le spectacle est une tentative de donner un coup de pied dans une ruche d'abeilles endormies. Ils ne sont pas les premiers à apporter une touche de théatralité dans leur présentation. Johnny Kid & The Pirates ou Paul Revere & The Raiders l'avaient fait avant eux. Screaming Lord Sutch ouvrait chacun de ses spectacles en sortant d'un tombeau et jouait sur scène avec des squelettes et des épées et du macabre. Arthur Brown ouvrait ses spectacles avec son morceau Fire...le feu sur sa tête. 

Little Richard a aussi introduit l'androgynie. Tout le monde voit clairement son mascara et ses maquillages. Les Rolling Stones viennent de lancer un single où ils apparaissent tous habillés en Femmes. Mais Hype ne dure pas. Le public lui est hostile. On les traite d'homosexuels. Mais dans la foule, un des spectateur prends des notes. Marc Bolan. Quand il se présente maquillé quelques mois plus tard, rivalisant avec les Beatles qui se désintègre, avec un style qui fait sensation, Bolan devient le visage du Glam rock. Bowie grince des dents. 

Mais les shows de Hype présentent aussi une première. Un guitariste du nom de Mick Ronson. 

Mick a une formation de pianiste, de violon, de musique classique avant de devenir guitariste, tombé fasciné par Jeff Beck. Il est originaire de Hull et avait tenté sa chance comme guitariste à Londres. Il était revenu à Hull un peu découragé et pensant sa carrière de guitariste, terminée. Il y travaille alors pour la ville. John Cambridge est le batteur de Hype. Bowie lui demande de recruter un guitariste. C'est Cambridge qui se rend à Hull et trouve Ronson en train de peinturer des lignes sur un terrain de rugby. Ronson auditionne pour Bowie dans une nuit où Bowie est enchanté. En Ronno, Bowie a trouvé son frère d'arme. Il va électrifier ses envies. Très vite, Ronson emménage à Haddon Hall. Visconti, Ronson & Bowie bricoleront ensemble dans l'ancien cellier à vin devenu studio sous le grand escalier de l'immense entrée. Au grand dam des appartements voisins. Inspiré par les sons de Led Zeppelin, hyper populaires alors, Ronson et Visconti (surtout) fabriquent des sons ensemble.  

Le petit buzz qu'avait créé
Space Oddity s'était éteint. The Prettiest Star qui avait suivi avait été une ratée. Bowie n'était pas dans la meilleure des humeurs. Mick Woodmansey se joint au trio, à la batterie et Woody aussi, emménage à Haddon Hall. Tout le monde est sans le sou. Cet album doit marcher. Pour la première fois, Bowie, quelques fois, n'y croit plus. Visconti doit aller le chercher dans le corridor pour le ramener en studio. Avec Bowie mentalement indisposé, Ronno & Tony jouent un rôle plus grand que prévu dans la concoction de l'album. Les chansons seront donc plus lourdes que Bowie les auraient écrites. Plus Black Sabbath ou Clapton/Cream que Beatles. She Shook Me Cold emprunte beaucoup à Beck. Que Ronson adule. Bowie imite même son "ami" Bolan dans la flexion de la voix. Ronson et Visconti supplient Bowie de mettre des mots sur leur musique par moments. Visconti s'en irrite. Habile, Bowie s'entend avec eux que c'est son nom qui vend, c'est son nom qui sera crédité comme auteur partout. Il s'entend avec eux, mais pour Visconti, ça ne passe pas si bien. Sa proscratination agace. La maison de disque leur donne un budget très limité et Bowie écrit encore des paroles le dernier jour de mixage. Des paroles sombres. Bowie ne gardera pas un bon souvenir de la fabrication de cet album. Visconti encore moins. David flirte avec le satanisme d'Alistair Crowley, chante un massacre du Vietnam, chante Nietzsche. Sa meilleure chanson de l'album est inspirée de l'effondrement mental de son demi-frère, Terry. Avant la fin de l'année, Terry se porte volontaire dans un asile. Bowie n'a pas de joie à vendre pour cet album. 

Comme Terry est volontaire, il est donc libre de sortir quand ça lui chante et de revenir à son gré. Il visite souvent David et Angie à Haddon Hall et ça plonge David dans le plus sombre des états d'âme quand Terry quitte. Il est à la fois soulagé et déprimé. Terry répond si bien aux traitements de chocs qu'il arrête de prendre sa médication. Ce qui a des effets terribles sur Terry, qui hallucine souvent. David se sent coupable de ne pas pouvoir aider plus. Est-ce que ça pourrait lui arriver de perdre la tête aussi ? Ils avaient la même mère. 

La chanson titre parle de ne jamais perdre le contrôle. Bowie a peur de perdre la tête. Il commande une peinture à un ami pour la pochette qui le surprendra grandement. On y voit un cowboy avec une arme à la main et derrière, lui, rien de moins que l'asile même où séjourne Terry. Son ami dessine ce même asile, sans savoir que Terry s'y trouve. Pour les États-Unis, on changera cette pochette pour une photo de Bowie, en "robe", étendu sur un fauteuil de le grande entrée de Haddon Hall, un jeu de cartes qu'il dilapide d'une main pendant que l'autre joue dans ses longs cheveux. Presque une peinture pré-Raphaëilite

Lorsqu'il arrivera aux États-Unis, on le voit en robe à son arrivée et on le questionnera pendant plus de 45 minutes. Ne trouvant rien de criminel en lui, on le laisse partir, mais on méprise celui qu'on appelle homosexuel-anglais-venu-corrompre-les-jeunes-des-États-Unis. Les travestis, c'est fait pour en rire. Celui-là veut être pris au sérieux. 

The Man Who Sold The World ne vendra pas. Ken Pitt disparait. Angie ne verse pas une larme. Ken était habitué de faire comme il avait toujours fait. Bowie ne voulait rien faire comme les autres. C'est une agence privée qui gère la séparation avec Pitt. De manière brutale. Tony DeFries est un bandit de la négociation. Dans le milieu de la tournée de Diamond Dogs, beaucoup plus tard, Bowie enverra une note à Pitt disant "Come and see what has become your boy!". Bowie ne l'oubliera jamais. 

Sans gérant, c'est vers le taureau Tony DeFries que David se tourne. Seulement trois ans plus vieux que David, Tony le convainc qu'il peut devenir la plus grande star de la planète. Angie dira de lui que c'est un homme aux méthodes de voleur et de gangster. Mais pour réussir dans ce métier, comme le gérant de Led Zeppelin, ça prend un monstre qui fait peur. À court terme, tous les paris de DeFries seraient payant. Mais sur le long terme, il sera catastrophe pour l'état mental de David. Bowie devait d'abord se rendre, en Amérique.

Le but du voyage aux États-Unis est de mousser les ventes de son album qui n'a vendu que 1000 copies de plus récemment. Mercury Music veut qu'on jase de lui. Mais un visa de travail manquant, Bowie est interdit de performance aux États-Unis. Il est donc limité à des entrevues et à des cocktails. Dès sa première nuit aux États-Unis, on présente à Bowie...une bombe fabriquée maison. L'Anglais est aussi impressionné que terrifié. Mercury lui trouve une chambre dans un hôtel à Time Square. Bowie est fasciné. Filthy but fun. Dans une chanson du Velvet Underground.

Ça inspire Bowie d'aller voir The Velvet Underground en personne, en spectacle. Il est très impressionné par ce qu'il entend et après le show, se rend derrière afin de dire au chanteur à quel point il a aimé, comment leur musique le touche, et souligne qu'il a couvert I'm Waiting For the Man. Il pense avoir parlé à Lou Reed, mais on lui dit que Reed a quitté le band depuis plusieurs mois. Et qu'il a parlé à Doug Yule, son remplaçant. "Peu importe" dira Bowie "C'était formidable". Peut-être pouvait-il lui aussi incarner quelqu'un d'autre sur scène.

À enregistrer mentalement pour plus tard.

Bowie fera le touriste, achetant des longs jeux rares (en Angleterre) de jazz. Il s'amuse même avec Moondog, un personnage connu des rues de New York. Bowie, en manteau de fourrure, à ses côtés est un spectacle en soi. Une femme demande à Bowie en quoi est fait son manteau de fourrure, il répond "en poil d'ourson en peluche". 

De passage au Texas, on pointe un fusil vers lui et on le traite d'homosexuel. À Chicago, il se présente donc plus traditionnel, mais la robe est de retour à Los Angeles. Celui qui l'accueille est celui qui reçoit généralement les stars Anglaises. Elton John, Rod Stewart, Cat Stevens. Maintenant Bowie. En le voyant, il pense à une star de cinéma et non à un chanteur. Quand il marche dans le rues, les gens se collent à Bowie, ne savent pas qui il est, mais il est si anormal, c'est une star, c'est certain.  Des notes sont prises. Il y a attrait concluant. On lui fait rencontrer les gens importants. De l'industrie mais aussi Elton, Marlon Brando, Gene Vincent. Avec Vincent, Bowie lui joue deux morceaux récents: Hang on to Yourself et Moonage Daydream

Il fait beaucoup d'entrevues à la radio. Il impressionne autant qu'il fait peur de par son look. L'homme se maquille! Classique Hollywood, tu peux re réinventer à ta guise, tu peux être qui tu veux, faire croire ce que tu veux. Il parle de plus en plus d'un alter ego venu de la planète Mars. Personne n'était certain de ce qu'il jasait, mais ça sonnait cool. Far out. C'était 1971. 

Pour Rolling Stones il fait une entrevue où il raconte que la musique ne doit pas être toujours prise au sérieux, qu'elle doit être transformée en prostituée, en parodie d'elle-même. Qu'elle devrait être le clown du cirque. La musique étant le masque que le message porte. La musique est le feu, et moi le pyromane. Il travaille un Frankenstein venu de Mars. 

De retour en Angleterre, le 13 mai 1971, Angie et lui deviennent parents d'un garçon qu'ils baptisent Duncan Zowie Haywood Jones. L'accouchement est si dur physiquement pour Angie qu'elle part en Italie pour récupérer. Avec le recul, elle se demandera si ce n'était pas là, qu'entre elle et David, ça s'était brisé pour de bon. Un "abandon" de la nouvelle vie de famille, fatal. Bowie ne démentira jamais ni ne confirmera. La désintégration se fera toute seule, pernicieuse conclura-t-il dans le futur. On se relaie pour garder à la maison, entre voisins. David travaille et compose plus que jamais. S'accompagnant à la guitare et au piano. Sa vie de papa, l'Amérique, il est rechargé à bloc.  

Au printemps 1971, il se transforme en auteur-compositeur-interprète en travaillant sans relâche. Il ne cessera jamais de s'appliquer, à partir de maintenant, conscient qu'il s'était aliéné Visconti bêtement. 

Il est si inspiré qu'un matin, il se lève avec un air en tête, "Wake up, you sleepy head, put on some clothes, get out of bed. ". Wells, Crowley, Orwell, Asimov. La science-fiction l'attire toujours. Mais la vie n'est plus sombre. Il pense encore à Ken Pitt qui lui avait parlé de Claude François. L'avait mendaté pour en faire une version anglaise qui avait été rejetée par l'équipe de François. S'en inspire pour un formidable effort. Un plaidoyer pour l'évasion. Mais Bowie est beaucoup plus optimiste. Plus heureux. Le titre de l'album le traduit bien: Hunky Dory

Pour remplacer Visconti à la basse, on engage Trevor Boulder. Ken Scott, qui avait produit les albums de Bowie précédemment sans être impressionné, sera encore producteur, mais cette fois, impressionné. Commencé en juin, à Londres, on enregistre Lady Stardust, Moonage Daydream et Star, mais on ne les garde pas pour l'album. On voulait un album plus pianoté. Rick Wakeman, pas encore membre de Yes, sera le pianiste invité. Wakeman jouera tout l'album sur le même piano où McCartney à enregistré Hey Jude. Ronson est le non officiel directeur musical, faisant les arrangements de la plupart des morceaux. Bowie pousse Ronno à sortir des réflexes traditionnels blues.

Pour la première fois, Bowie joue pour lui et non pour un public qui l'attends. Personne ne l'attends jamais de toute manière. Une première version de la pochette montre Bowie en tenue égyptienne. Voulant capitaliser sur une exposition internationale très populaire d'alors. Mais Bowie change finalement pour un androgyne David, à la fois Bacall & Bogart, mais surtout Marlene Dietrich dont il s'inspire pour la pose de la version finale. 

DeFries convainc Bowie qu'il pourrait demander plus d'argent ailleurs qu'avec l'étiquette Mercury qui ne le considère pas assez important. Mercury offre une légère augmentation mais DeFries, agressif, leur dit que Bowie n'enregistrera plus jamais rien pour eux. RCA, l'étiquette d'Elvis les approche. Baveux, DeFries leur dit qu'ils ont eu les années 50, mais ont manqué toutes les années 60, ils ont la chance, avec son client, de dominer les années 70. David fait ses premiers shows depuis longtemps. L'album sort tard en 1971. 

Dans un festival, poussé à 5 heures du matin en raison des retards, il joue une douzaine de chansons, dont toutes celles, prêtes, à venir sur Hunky Dory. Malgré cette heure tardive et ce public épuisé/intoxiqué, il les voit vraiment embarquer dans sa musique. Il sent le direction des vagues changer.  

Il n'est pas Anthony Newley, ni Lou Reed, ni Bolan. 

Bowie ch-ch-ch-change

Et les changements ne font que commencer. 


Je suis assez amèrement triste de vous dire que ce qui se trouve plus bas n'est nulle part dans mes affaires pour que je puisse l'annuler. C'est une coquille éternelle de Blogger qui agira comme un oeil dépareillé de l'autre, je ne peux pas effacer, je ne trouve pas où !





dimanche 22 janvier 2023

Major Tom

1967-1968-1969.

David Bowie est au cinéma. La cathédrale moderne où tout est possible. Les années 60 en arrivent à leur conclusion et Bowie est, comme pas mal tout le monde, complètement flabbergasté devant le film 2001: A Space Odyssey, de Stanley Kubrick. Les images de l'espace sont imprégnées dans sa tête, mais David s'intéresse aussi à l'espace intérieur. Il y lit une solitude qui lui est aussi sienne. Sa carrière musicale ne va nulle part. En 9 ans, il a fait partie de 8 bands et a travaillé en solo. Il a été abandonné par sa maison de disque, pire, il a été quitté par sa vraie première grande amoureuse, qui lui a préféré un autre homme, en Norvège. Aussi bien dire, une autre planète. 

David commence à esquisser un personnage d'astronaute dans sa tête qu'il appelle Major Tom. Il appelle ce qu'il compose Space Oddity. Plusieurs diront que c'était une opportuniste tentative d'essayer de faire un peu de sous sur un immense succès cinématographique. Peut-être. Mais il y a plus. David Bowie a passé les années 60 à essayer de se lancer dans l'espace musical. Il a essayé de chanter tous les styles, et quand il l'a fait, il a ouvert sa bouche et non son âme. Ça changera avec Space Oddity qui a moins à voir avec un astronaute qu'avec lui-même. C'est une confession émotive qu'il gardait en lui depuis qu'il était enfant. "Je suis Major Tom" dira-t-il dans le futur. Me voilà dans mon espace cosmique et personne ne comprend ce que j'y fais. 

C'est pas étonnant que Bowie démarre sa carrière avec un pied dans l'alors presqu'inexploré espace. Bowie façonnera l'entièreté de sa carrière à même ce qui s'en vient. Tout le temps quelques coups en avance sur les autres. Commencing coutndown, engine's on. Bowie est prêt à être catapulté plus haut. Le voyage l'amènera loin.

Le 1er juin 1967, Sergeant Pepper's Lonely Heart Club Band, des Beatles est lancé et révolutionne le monde de la musique à jamais. Par sa pochette. Pour avoir fait chanter les 4 membres du groupes sur une même galette. Pour y avoir inclus un morceau à saveur 100% indienne, à la sitar. Pour avoir coupé plusieurs silences entre les morceaux afin de créer l'illusion que c'est une symphonie continue. Pour avoir caché des choses illicites dans les titres. Pour tant de choses, cet album est largement considéré comme l'un des meilleurs de tous les temps. Le même jour, un album sans titre appelé simplement David Bowie est aussi lancé. Et largement ignoré. Bowie lui-même le dénigrera avec le temps. Mais cet album n'est pas si mauvais. Il pointe des audaces qui rendraient Ziggy Stardust fier.

Toujours impressionné par une panoplie de styles, il lancera un album qui tire pas mal dans toutes les directions. C'est ce que la plupart lui reprocheront, le manque de focus sur la direction de l'album. Donovan, The Kinks, The Beatles, The Rolling Stones, Pink Floyd baignent les nouveaux sons d'un certain psychédélisme depuis un an. Bowie y garde une oreille plus qu'attentive. Bowie n'a pas de formation musicale, mais il compose en s'inspirant des mélodies qu'il aime comme cet album des Beach Boys qui est si bouleversant, et choisit de placer sa voix comme le fait l'acteur anglais Anthony Newley. Leurs voix son presque identiques. Tellement que Newley en sera lui même, plutôt agacé. 

Son premier effort sur disque reste sombre. Peuplé de vignettes sordides de gens seuls et de comptines d'enfances glauques. Un titre est inspiré du meurtre d'un enfant de 10 ans. Un autre est le portrait d'un alcoolique qui tisse des liens avec des enfants jusqu'à ce que les voisins l'accusent de pédophilie et la chasse du quartier. Mais d'autres morceaux sont déjà des avant-goûts de Diamond Dogs ou The Rise & Fall o Ziggy Stardust & The Spiders From Mars. David parle d'un futur où la race serait contrôlée par les avortements sélectifs. Il chante aussi les héroïnes de la Guerre. Mais la morceau qui fera jaser est grotesque. C'est le premier single choisi et ça plait ou ça mortifie. C'est surtout risible. 

Les écrits de J.R.R. Tolkien sont découverts et rendus publics à la fin des années 60 et ceci ouvre la porte à un univers fantaisiste qui en inspirera plusieurs et pour longtemps. Bowie ne fait pas exception. Entre la parodie et le mystique, (The Rolling Gnomes ? really ?) Bowie y inclut une voix de gnome rieur qui donne l'impression que les Chipmunks s'invitent sur l'album. Sans surprises, ce single sera le 8ème de suite à passer dans le beurre pour les radios ou ailleurs. Pire encore, quand Bowie fera du plus sérieux, dans le futur, ce sera un peu un boulet pour lui. Les critiques ne seront pas trop vilaines pour ce premier effort, mais Bowie n'aura qu'un mot pour ce premier disque: "cringe". (à faire grimacer)

Créatif pour un jeune homme de 19 ans sera aussi dit de lui. Ça encourage David. Mais intimement, à la maison. Terry, 30 ans, va de mal en pis. Il est de plus en plus victime de maladie mentale. Depuis son retour de l'armée, à la fin des années 50, Terry n'était plus du tout le même. Les épisodes de psychoses devenaient plus fréquents et toujours plus dérangeants. Quand David amène son demi-frère voir un spectacle de Cream, en juillet 1967, il ne réalise pas que le psychédélisme et le bruit le ramènera mentalement à la guerre. Terry tremble de tout son corps et, tous deux forcés de quitter les lieux, Terry s'effondre rendu dehors, en transe. Convaincu que le sol s'ouvrira sous lui et que le feu en sortira. David en sera horrifié. La maladie mentale est si taboue, en 1967, que personne n'en parles. David ne sait pas quoi faire. Les gens atteints de maladie mentale, à cette époque, sont souvent simplement envoyés dans des asiles, sans qu'on essaie de comprendre quoi que ce soit. Les asiles sont presque comparables aux prisons. Terry prends des longues marches et disparait pendant plusieurs jours. Il a des vision de Jésus Christ. Il disparait plus d'une semaine et est retrouvé dans une épicerie, hagard et sale, demandant poliment si il pouvait manger un fruit. On place Terry avec ses parents jusqu'à ce qu'un nouvel arrangement soit trouvé. David y était inconfortable, mais la présence de son frère et l'atmosphère qu'il installait rendait l'endroit pire encore. L'été 1967, David quitte donc la maison familiale, à 20 ans. À l'été 1967. 

Il sera hébergé par son nouveau gérant, Ken Pitt, un homme charmant, qui avait représenté Duke Ellington, Frank Sinatra, Judy Garland et même Anthony Newley. Il avait d'abord refusé quand on lui avait demandé de prendre David comme client. Mais après avoir entendu sa musique, il avait changé d'idée. David habite chez Ken. Dont l'intérêt pour le jeune homme de 20 ans est plus que musical. Bowie se promène parfois nu chez Pitt et celui-ci ne peut que remarquer son long appareil sexuel. Ça lui plait beaucoup. David Bowie n'était pas gay. Il était sexuellement opportuniste. Il savait comment jouer avec l'ambiguïté et savait que la curiosité vend. David comprend vite que Pitt le désire sexuellement. Et il joue la précieuse avec lui. Pitt sera son mentor culturel. Films, spectacles, musiques, peinture, livres, Pitt lui présente tout ce qu'il devrait connaître, selon lui. Oscar Wilde, Evelyn Waugh, William Butler Yates, Egon Schiele, Eric Gill, Bowie dévore tout ce qu'on lui présente. Son extrême curiosité sera parente avec la mienne. Ken lui apprendra aussi l'art de se vendre. Ne jamais s'obstiner avec un intervieweur. Et toujours lui donner ce qu'il veut entendre. Toujours se rappeler que tu parles à tes fans, au travers d'un(e) autre. Plusieurs fois, Pitt surprend David fouiller dans ses affaires ou écouter au téléphone les conversations que Pitt fait, afin d'en savoir toujours plus sur les rouages du métier. 

Pitt amène un soir David dans une soirée de cocktails afin qu'il se fasse connaître un peu. Bowie y fait une scène en s'amourachant d'une femme sur place et en se minouchant très publiquement au point que tout le monde les remarque et se demande si ils vont baiser publiquement. Pitt en sera outré. Ce n'est pas l'attention qu'il voulait poser sur lui devant les bonzes de l'industrie musicale. Pitt reçoit le premier album des Velvet Underground, l'écoute, mais n'aime pas. Il est davantage du type Judy Garland. Toutefois, Bowie entend aussi et ADORE. Comme Tutti Frutti quelques années avant, cet album change sa vie. Les sons s'impriment de manière permanente dans sa psyché, comme Low le fera pour moi, des années plus tard. Lou Reed importe en Angleterre la poésie des rues de New York comme peu le font alors. De plus Andy Warhol traine autour du band, il est leur gérant et le concepteur de leurs pochettes. Reed, Cale, Morisson, Tucker le bouleverse et lui font oublier les tubes d'alors qu'il trouve souvent insipides. La musique pop veut te faire sentir bien. Cette musique du Velvet voulait te faire sentir n'importe quoi. David est séduit par l'idée que la musique de VU se moque complètement de plaire à quiconque. Il enregistrera un demo de I'm Waiting For The Man, mais c'est jugé trop anti commercial et sera placé sur les tablettes. 

Comme tous ses démos, à cette époque. 

David était désespéré d'enfin prouver sa valeur. Il essaie d'être une révolution à lui tout seul, mais principalement, ils désorientent pas mal tout le monde. Sans trop savoir quoi faire avec lui, la maison de disque le place alors avec le petit nouveau, un gars de Brooklyn qui vient d'arriver en Angleterre. Il y était car il travaillait avec Marc Bolan. Pitt trouve que Tony Visconti pourrait avoir un talent pour travailler avec des artistes bizarres comme Bolan ou Bowie. Il ne se trompe pas. Visconti et Bowie s'entendent tout de suite. On jase Zappa. Une amitié pour la vie est semée. On enregistre Let Me Sleep Beside You qui sera aussi jugé trop risqué pour l'époque. Ses compositions sont offertes à Judy Collins, Jefferson Airplane, Big Brother & The Holding Company, Peter, Paul & Mary. Mais toujours rejetées. Avec sa carrière musicale qui fait du surplace, Pitt lui suggère de faire du cinéma. Pas fou. Il jouera une variation du Portrait of a Young Artist sous la direction de Micheal Armstrong. Il découvre alors qu'il adore jouer des rôles. (Enregistrer pour plus tard). Pitt s'en réjouit et le pousse à jouer. Mais Bowie préfère autre chose...le mime. Au grand désarroi, de tous. 

Pitt avait envoyé le premier album de Bowie à une douzaine de ses contacts, dont le mime Lindsey Kemp, qui avait été un élève du mime Français Marcel Marceau. Kemp se présente comme celui qui boit jusqu'à ce qu'il soit saoul, mange jusqu'à ce qu'il soit plein, ne rencontre pas les gens, mais tombe en amour avec. Il tombe donc aussi, en amour, avec David. Bowie le sait. En jouera. Kemp fera jouer le premier album de Bowie aux intermissions de son propre spectacle de mime. Bowie en a vent. Va voir un de ses shows. Veut être sur la scène avec lui. Le sera. De 9 ans son ainé, chez Kemp, Bowie a l'impression d'entrer dans une chanson de Velvet Underground. Kemp l'introduit à Jean Genet et Jean Cocteau, Bowie lui fait découvrir le bouddhisme. Ils font un numéro ensemble sur scène. Bowie compose de la musique pour la troupe de mime de Kemp. Kemp est fou amoureux de David, mais David couche avec la costumière. Kemp, pense alors se suicider. En allant se noyer. Mais la mer est loin, et il ne trouve pas de transport pour s'y rendre. Il se tranche alors simplement les poignets. Mais pas trop. Juste assez pour qu'on s'intéresse à lui. 

David tombe ensuite très en amour. Son nom était Hermione Farthingale. Du moins, c'est ainsi qu'elle se présentait. Son vrai nom serait un secret éternel. Sa beauté est réelle. Elle cachait son côté hippie à sa famille de bourgeois. Elle avait la taille d'une danseuse, de longs cheveux plus roux que blonds, ils s'étaient connus dans le cours de ballet de Lindsey Kemp. Et ils s'étaient davantage connus lors un tournage pour la BBC. Kemp avait été engagé pour chorégraphier une scène de bal où Bowie & Farthingale était pairés. Ça leur prendra 5 minutes à tomber l'un pour l'autre. Même Kemp reconnait que leur chimie est réelle et leur laisse l'espace amoureux. Avec Ken Pitt, c'est plus douloureux. Bowie y habite toujours. Il ment les premières fois qu'il découche avec Hermione en lui disant qu'il va sur la montagne voir si il y a des objets volants non identifiés. Une excuse typiquement 60's...
The girl with the mousy hair

Assez vite, David emménage avec Hermione dans son appartement hippie néo-bourgeois. Il n'a jamais paru aussi heureux. Bowie est très inspiré par Hermione et compose musicalement plus facilement. Bowie joue de sa 12 cordes Gibson et laisse un peu tomber son côté vaudeville pour ce qu'offre alors les Canadiens Joni Mitchell ou Leonard Cohen. Ensemble, avec John Hutchinson et Hermione, ils forment Feathers. Une formation qui croise poésie, musique et mime. Un numéro montre Bowie mimant un vieil homme au dos courbé qui avance difficilement. Il trouve un joint au sol. Le fume, Ce qui le redresse et lui donne de la vigueur. Très 60's. Tout le monde gratte la guitare. Tout ceci lui fait oublier le monde de la musique populaire et ses contraintes. Il s'exprime autrement, mais un peu n'importe comment. 

Mais il n'a toujours pas vraiment d'argent. Ken lui finance une idée de présenter un video pour se vendre. Mais c'est encore sous le radar. Hermione se fait offrir un rôle dans un film appelé Song of Norway qui met en vedette Florence Henderson, future maman Brady dans The Brady Bunch. Hermione doit être en Scandinavie pendant 7 mois. David savait que ça se terminait probablement là. Peu de temps après, elle l'appelait pour lui dire qu'elle avait rencontré quelqu'un d'autre. Il écrit ses chansons les plus personnelles. Il lui parle directement avec une note amoureuse qu'il ne lui enverra que musicalement. 

Même si David compose à nouveau, l'étiquette Decca le laisse tomber. David est au plus bas moralement. Afin d'arriver financièrement, il accepte de travailler dans un magasin de photocopieuse et lave des salles de bains, dans des ménages. Il faut vraiment le savoir mais Bowie joue dans une publicité pour la crème glacée Luv tournée par un jeune réalisateur du nom de Ridley Scott. Quand il est demandé pour complice d'un tour de magicien, il doit faire un emprunt afin de prendre le train pour s'y rendre et en revenir. David pense tout abandonner. Il pense devenir moine bouddhiste. Et c'est là que David va voir le film de Kubrick. Si il cherchait à s'évader, il se trompait. Il plongeait en lui. 

Il met tout ce qu'il ressent dans sa chanson. Ses insécurités. À l'origine, il pense en faire un duo à la Simon & Garfunkel avec son ami John Hutchinson lui répondant de la terre. Hutch et lui enregistrent un démo autour du jour de l'an 1969, face à face dans la chambre de David. Bowie y joue du vibraphone, un instrument que Marc Bolan lui donne. Ken Pitt remarque tout de suite l'énorme potentiel commercial du morceau et entre en sérieux mode promotion. Mais Hutchinson retourne vivre avec sa femme et son fils et Bowie doit présenter seul ce qu'il pensait être un duo. Mais Bowie a aussi une nouvelle partenaire: Mary. En jouant de la guitare, la voisine d'en bas, qui a deux enfants, est charmée par les sons et assez vite tout le monde habite ensemble. Ensemble, ils se demandent si ils ne devraient pas se partir un laboratoire d'exploration qui croiserait spiritualité (bouddhisme) et art. Ils se lancent dans le projet. 

Mimes, morceaux de Pink Floyd, Jimi Hendrix, Jacques Brel, poésie, spectacle de marionnettes, hare krishna, un centre pour jeunes psychédéliques. Tous les dimanches matins, David & Mary Finnegan transforment un pub en centre culturel. On y met des coussins partout. On s'y rassemble. Le 4 mai 1969, autour de 25 personnes se présentent à l'ouverture. La semaine suivante, le double. Dès la troisième semaine, les gens débordent jusque dans le jardin, en arrière. Bowie emprunte le rôle de guide à tout ces gens plus ou moins égarés. Au minimum, curieux. Et intéressés par sa musique qu'il présente. David couche avec Mary, mais avec plusieurs autres aussi. 

Calvin Mark Lee est un expatrié asiatique lié à une maison de disque, Mercury. Il a travaillé avec les Monkees et Jimi Hendrix. Il envoie la toute première lettre de fan à Bowie dont il a aimé l'unique album. Il est aussi amoureux de Bowie. Qui se la joue encore opportuniste, il veut être en contact avec Hendrix ou les Monkees, ou d'autres encore !  

Par Lee, Bowie rencontre une de ses employées, Mary Angela Barnett. Pour certains Barnett sera la planche de lancement, l'architecte de la carrière de Bowie, le feu sous sa casserole. Pour d'autres, elle sera la pire chose qui ait pu lui arriver. Peu importe, il ne fait aucun doute que sa rencontre avec Bowie a un impact majeur sur sa carrière. Un taureau vient de foncer dans le magasin. Née en 1949 d'un colonel d'armée Étatsunien à l'étranger, ses rapports avec le sexe seront toujours troublés. Issue de l'intensité, elle n'en sortira jamais. Lorsque son père la surprend à embrasser un garçon de son âge quand elle a 7 ans, elle est violemment battue par lui. À l'école secondaire, elle en est expulsée pour avoir voulu entretenir une liaison avec une autre fille. Quand elle rencontre Liberace, par hasard, en croisière, elle se convainc qu'elle sera chanteuse ou mannequin. Tant qu'il y a un public. En 1966, elle émigre en Angleterre afin d'y étudier le marketing artistique. Elle continue de rêver à la gloire artistique, mais reste modeste face à son talent. Elle a du verbe, mais pas un tempérament si attirant. Impulsive, elle "snap" facilement. Faisant la rencontre du patron de Mercury Records dans un salon de coiffure, ils ont une liaison et celui-ci lui fait rencontrer son employé Calvin Mark Lee qui lui, lui fait rencontrer Bowie.

Angie voit Feathers en spectacle. Elle est charmée par Bowie. Mais ne le verra en personne que trois ans plus tard. Elle se présente à leur premier rendez vous avec sa chemise rose et son pantalon, sa cravate en soie et sa veste pourpre. Les cheveux coupés très court. Très masculin pour une femme dans les swinging sixties de Londres. David est intrigué. Ils se rendent au lancement d'un album de King Crimson, et terminent la soirée ensemble. C'est la première fois que David tombe sur quelqu'un d'aussi déterminée que lui. Et le fait qu'elle se considère comme une libertine sexuelle lui plait encore plus. Ça viendra piéger Angie plus tard. Moins libertine qu'anticipé. 

Mary, Angie et David, cohabitent étrangement, ensemble. Cruciale support à David, Angie a de grandes idées. Calvin sait que Space Oddity sera un hit, surtout avec le lancement de la mission Apollo prévu en août, aux États-Unis. Calvin finance le démo. Angie réussit à convaincre le patron de Mercury de le signer. George Martin, producteur des Beatles, était le premier choix pour produire le nouvel album de Bowie. Mais il n'était pas fan de la chanson. Ken Pitt en restera stupéfait. Tony Visconti sera alors appelé. Mais Tony n'est pas plus fan du morceau. Il trouve que c'est opportuniste et plutôt cheap. Il passe alors la tâche à un associé de studio, Gus Dudgeon qui est plus que content de faire le boulot. 

Le 28 juin 1969, on commence à enregistrer en studio. Le même jour que David signe son contrat avec Mercury. David y joue du stylophone . Il y a aussi du mellotron, instrument nouvellement utilisé par les Beatles. On engage un étudiant, Rick Wakeman, pour le jouer. Il enregistre sa part en deux prises. Mick Wayne, à la guitare, joue de son briquet en métal sur son instrument afin d'imiter le bruit de lancer de fusée. Un classique est né. 

À la fin de la chanson, Major Tom est vidé émotivement. Mais à la fois, il est devenu absolument tout.

Très bouddhiste. 

Mercury fait tout pour que la chanson soit lancée avant la poursuite vers la lune Étatsunienne. Le 11 juillet, la chanson est lancée. 9 jours plus tard, les images de Neil Armstrong sont rendues publiques. La BBC utilise la chanson de David sans réellement prendre conscience des paroles. la BBC radio est plus prudente, attendant la fin de la mission pour la jouer, puisque la chanson promet, mélancolie, catastrophe et errance spatiale, quand même.

La chanson se rendra à la position 5, en Novembre. Bowie a son hit. Ken Pitt invite Bowie en Asie pour y jouer When I Live My Dream. Bowie y gagne un prix pour le video. John Jones pendant ce temps, se meurt d'un cancer du poumon. David se rend à son lit de mort avec son trophée et lui montre, tout fier avant qu'il ne meurt. John n'avait que 56 ans. 

Son album sera un collage de plusieurs maëlstrom personnels entre 1966 et 1969.

Toujours très (trop) spirituel, dans les jours suivant la mort de son père. David reçoit plusieurs fois des appels où au bout de la ligne, il n'y a que silence. David dira qu'il comprend que c'est son père qui vérifie si tout va bien. Il commence à répondre : "I'm allright, I'll manage". 

Non lavé et en quelque sorte un peu étourdi. 

dimanche 15 janvier 2023

Les Garçons de Londres

1963-1964.

Les Beatles et les Rolling Stones causent tout un émoi et représentent le défi de l'ordre et du monde adulte avec leurs cheveux longs. David apprends vite la leçon. Il sera souvent, très bon élève du succès des autres. 

Avoir le nez sur la vitrine des swinging sixties allaient lui apprendre à bien imiter. Si ces gars-là ont le cheveux longs, les siens seraient plus longs encore. À 17 ans, David sait déjà comment manipuler les médias. Son père John travaille dans une agence de publicité. Il sait vendre. David saura se vendre. David y bosse aussi un peu, juste assez pour devenir l'architecte d'un projet de science qui le lancera telle une fusée dans la stratosphère populaire. 

Les auditions pour la BBC font toutefois toutes patates. C'est une période d'apprentissage pour David Jones, mauvais London Boy. Prisonnier du gris Bromley.

En août 1963, David a son premier essai enregistré. Un assistant dans une maison de disque entends The Konrads sur scène et aime ce qu'il découvre. Il les force en studio. Ce gars vient d'être accessoire à signer les Rolling Stones, et il pense que peut-être, The Konrads sont la prochaine grosse affaire. Il les invite chez Decca, une importante étiquette. Si David a des nerfs d'acier le jour de l'enregistrement, le reste du band est archi stressé et joue archi mal. On ne réussit a faire qu'un seul morceau qui est si mauvais qu'on ne le conserve même pas. Enfin, on le retrouve des années plus tard dans une boite à pain. Mais le morceau n'est même pas complet. Quand l'étiquette les laisse tomber, David a déjà quitté les Konrads. 

David n'était pas vraiment un gars de groupe. Quand The Konrads perd un concours de talent contre un gars tout seul, Peter Frampton, David retient qu'on est peut-être bien meilleur, tout seul. David voulait du Marvin Gaye ou du soul pour y intégrer son saxophone. Le reste du band veut faire des reprises des succès connus. David leur propose de refaire The House of the Rising Sun, mais les autres, des Konrads, refusent. Quand The Animals fait sensation avec ce morceau

David rage de colère choisit de faire cavalier seul. 

À l'école, il coule tous ses cours sauf ceux en arts. Il s'en moque. Quand ses profs lui demandent ce qu'il voudra faire de sa vie, il répond saxophoniste dans un quartet de jazz moderne. Il se déniche un job dans un magasin qui vend des harpes, mais bon, ce n'est pas le type de cordes qui lui plait. Son père lui trouve un poste d'électricien. David ne quitte pas cet emploi autant qu'il cesse d'y retourner. Ses parents sont inquiets. Peggy est clairement contre ses ambitions artistiques. Elle est frustrée de le savoir si peu "comme tout le monde". Elle pense sincèrement que de devenir musicien n'est qu'une envie de passage . Mais son père est très encourageant. Plus jeune, John avait aussi tenté de lancé un projet de cabaret qui avait échoué. Il suit tout ce que David a envie. Et le fera toute sa vie. Lui donnant même des conseils de marketing publicitaire. La tension avec Peggy est donc réelle quand ils réalisent qu'ils ne jouent pas les mêmes notes, face à leur fils. David travaille donc avec papa dans un agence de pub. Mais il déteste. 

Il achète Bob Dylan & Johnny Lee Hooker. Little Richard devient Born Again Christian et parle du rock'n roll comme de la musique du diable. Il semble vouloir se retirer. Buddy Holly, Ritchie Valens et The Big Bopper trouvent la mort dans un accident aérien. Jerry Lee Lewis est à garder loin des moeurs puisqu'il est mis à jour qu'il a marié sa propre cousine...de 13 ans. Chuck Berry est aussi coffré pour s'être trouvé en voiture en train de tenter de sortir d'un État, avec une jeune fille de 14 ans qu'il dirigeait peut-être vers un hôtel. Elvis revenait de deux ans dans l'armée, presque lobotomisé, apparaissant dans des navets cinématographiques. Les jeunes années 60 sont difficiles pour le rock et la pop. Voilà pourquoi le folk de Dylan se fait un chemin. Et les 4 garçons dans le vent d'Angleterre font trembler la terre. Mais même eux, génèrent leurs inspirations dans le soul et le Rhytm' n' Blues. Les humains à la peau noire ont inventé le rock 'n roll.

Les "Mods" (pour modernes) n'ont pas honte de consommer leurs idoles et de s'en inspirer. Ils sont coqs dans les poullaillers. Les Rockers divisent les sexes en chats et poulettes, et ont le regard tourné vers les années 50. Les Mods sont plus androgynes. Ils se maquillent les yeux, parfois les lèvres. Ils ont des scooters. Et écoutent du jazz, du ska, de la musique française, du soul et du R & B. David est tout à fait Mod.  

Avec les Beatles, les Rolling Stones, Elvis, l'industrie de la musique génère maintenant plus de 2 milliards par année. Tout le monde tend l'oreille dans l'industrie. Voyant Jagger sur scène en première partie de Little Richard, Jagger lance à Bowie de se faire couper les cheveux. David lui répond "Pourquoi ? je te ressemble trop ?". Il savoure les rires autour. On ne se connait pas encore, mais la glace est brisée. Jagger l'a remarqué aussi. 

Le nouveau band de David Jones s'appelle The King Bees. Et ils sont engagés pour être le quintet à l'anniversaire de quelqu'un d'important. Toutefois après seulement 2 morceaux, on les remercie et on les somme de ranger leurs instruments. David en pleurera. Mais celui qu'on fêtait ce jour là le prends en pitié et le réfère à Leslie Cohn, qui gère Doris Day. Mais Cohn ne leur trouve pas vraiment de travail. il offre la tâche à David de repeinturer les bureaux tant qu'à trainer à ne rien faire. Bowie s'y mettra avec un autre frisé qui tombe en amour avec ses souliers. Un certain Mark Felt, qui deviendra Marc Bolan et dans 10 ans, duc du glam rock avec David. 

David & George Underwood signent en 15 minutes un single. Mais le single ne va nulle part. Son père, John, dira que c'est terrible mais si il a fait un disque, il essaie au moins quelque chose de bien. Au sein des King Bees, David passe moins bien. Il insiste pour être David Jones & The King Bees. Ce que les autres apprécient moins. Le band s'en séparera. Leslie Conh lui trouve alors un nouveau band: The Mannish Boys. Avec aussi, comme les Rolling Stones, un nom emprunté à une chanson de Muddy Waters, ils en ont au moins les influences plus bluesées, ce qui se rapproche de ce que veut faire Jones. Mais Johnny Flux, John Watson, Mick White, Bob Solly, Wolf Byrne et Paul Rodriguez jouent ensemble depuis longtemps et n'ont pas tellement envie qu'on leur impose Jones. Cohn le vend en disant qu'il a déjà enregistré de la musique, lui, et qu'il est passé à la télé. À la défense des jeunes aux cheveux longs dans une organisation pleinement inventée accompagné de ses amis autour. Mais ils l'acceptent quand il se présente et "à l'air d'une star du rock". David fait sa première réelle tournée, en mini-bus, dans les pubs et les bars d'Angleterre. David prend vite le contrôle du côté créatif du band. On fait surtout des reprises et on s'amuse. On vole du linge dans les vidanges des boutiques de mode de Carnaby Street. Déjà, sur la route, il est obssessivement consommateur de sexe. Il y a une/des Femmes pour lui absolument partout. On le dit "très appareillé".

Une des ses conquêtes est la chanteuse Dana Gillespie, qui le remarque en spectacle. Ils sont partenaires un bout de temps. Les Beatles et les Stones ont le cheveux longs, mais avec Jones, c'est pire. On parle de travestisme. Même les parents de Dana ne sont pas convaincus de son sexe avant qu'il n'ouvre la bouche la première fois devant eux. David saisit l'attention. C'est dur à imaginer de nos jours mais porter les cheveux longs, pour un homme, au début des années 60, est une menace pour bien des gens. Voilà pourquoi David les porte ainsi. En spectacle de l'hostilié envers David mêne souvent à des envies de le battre. Le band se sauve souvent à la sortie de leurs représentations. Et endure les commentaires désobligeants. On enregistre un single sur lequel est engagé un jeune guitariste qui fait sensation, Jimmy Page. Mais le single fait patate. Et Jones est insulté de voir qu'on crédite le titre "aux Mannish Boys" et non à lui seulement, comme on lui avait promis. David quitte le groupe. Avec Dana.

Quand David invite Dana chez lui, elle est témoin de l'absence de chaleur dans la maison des Jones et comprend que David veut quitter cet endroit le plus tôt possible. Leslie Cohn se tanne de David et l'abandonne. George Underwood étudie maintenant l'art graphique, il sera très bon graphiste toute sa vie. Dans un café, un groupe de jeunes musiciens pense que David est un membre des Yardbirds. David démystifie mais confirme qu'il est bien chanteur. Ce que ce band recherche justement. The Lower Third. Steve Marriott, futur Humble Pie, l'accompagnera à son audition. Sans surprise, ça devient Davy Jones & The Lower Third. On fera des tournées dans une ambulance convertie. On joue du motown, mais on ose du Mary Poppins ou de l'expérimental. Du Blues et du R& B beaucoup. Du The Who ou The Kinks. David commence à écrire entièrement seul. Pete Townshend, en entendant un morceau de David, demande sincèrement "Est-ce un de mes morceaux?".  Leur audition à la BBC fait patate. Et les Lower Third se sentent sous estimés quand le morceau est crédité à Jones seulement. 

À cette époque, on ne se questionne pas sur l'homosexualité ou l'hétérosexualité de David. On le considère absolument sexuel tout simplement. On dit, et dira toute sa vie, "qu'il était équipé pour veiller tard". Qu'il le savait. Et qu'il en avait profité et fait profiter toute sa vie. 

Lors du spectacle à Bromley, David est surexcité de jouer devant ses amis, ses parents et dans l'endroit où il a grandi. Mais il n'y a plus d'argent pour les Lower Third, tout doit être investi dans la promotion si on veut réussir. Ça ne passe pour personne sauf David, qui lui, serait peut-être payé. No pay? no play. Les Lower Third ne joueront pas à Bromley, David en sera bouleversé, le band n'existe plus. 

Le dernier single de Davy Jones & The Lower Third, un morceau signé de sa main, a un titre qui parle beaucoup de lui-même. L'aliénation est totale. L'image du voyageur qui a peur de l'égarement est déjà bien en amorce dans sa carrière. La suivra toujours. Il écrit aussi, en 1965, The London Boys. Mais prendra encore un an ou deux pour la peaufiner. 

David passe les dernières années à vivre les paroles de The London Boys. On sera scandalisé des références à la drogue et on ne voudra pas la sortir tout de suite. On lui suggère d'éviter la confusion avec un autre Davy Jones, celui des Monkees. Après avoir considéré Tom Jones, presqu'aussitôt volé par un chanteur du pays de Galles, c'est alors qu'il revient à Bowie. On parle de Jagger/dagger, il sera aussi, un couteau tranchant. Ce ne sera pas la dernière fois qu'il s'inspirera du Rolling Stones.

David Jones était ce garçon gris de Bromley, 

David Bowie sera l'innovateur coloré conquérant. 



je ne m'explique pas ce qui se trouve plus bas, j'abandonne à essayer de trouver, ce n'est nulle part dans mes créations, ni même dans mes aperçus, je ne peux donc rien effacer, n'y arrive pas...tant pis. Et Dommage. 

L'Adieu Parfait

En 2013, après de rares apparitions publiques depuis plus de 10 ans, son album The Next Day connait un franc succès. Le 25 mars de cette mê...