Le personnage et son univers seraient un jour culte.
C'était au Hammersmith Theatre et étrangement, David Bowie restait introuvable. Ce qui n'était jamais bon signe avant un spectacle. Particulièrement, le dernier de la tournée. 16 mois de tournée qui leur avait fait le tour de l'Europe, du Japon, de l'Amérique du Nord. Tout ça avait commencé avec une photo dans une nuit trop froide pour tout le band, dans la ruelle d'un pub, et maintenant, il remplissait les salles. On allait filmer ce dernier spectacle pour la postérité et des invités de marques, Mick Jagger, Lou Reed, Ringo Starr, Tony Curtis allaient y assister. C'était juillet 1973. Bowie serait retrouvé dans la ruelle arrière, ayant visiblement pleuré, incertain de savoir si il était Ziggy Stardust, David Bowie, David Jones, ou tout simplement en plongée vers la folie. Le titre de son prochain album en était clair. Il perdait la tête.
Tout allait si bien, mais si mal en même temps. Son mariage était pratiquement mort. Il ne voyait pas la richesse mais en savourait quelques bénéfices. La cocaïne lui entrait facilement au nez et lui ravageait l'âme et les nerfs.
Quelque chose devait changer.
Sur scène, après la dernière chanson, Rock'n Roll Suicide, David allait commettre un meurtre. Celui de sa plus grande création jusqu'à maintenant: le meurtre de Ziggy. Le personnage lui avait d'abord permis une certaine créativité et une sorte de liberté, mais déjà, il s'en sentait prisonnier et pensait se perdre mentalement dans le processus.
Se dessinant un éclair de foudre rouge et bleu au travers du visage, de plus en plus maigre par la drogue, et toujours extraordinairement pâle, il surprenait son band, au moins Bolder et Woody, en annonçant devant tout le monde que c'était le dernier à show à vie de tout ce monde là, ensemble. Même mort, Ziggy durerait encore deux albums. Le premier, tricoté pendant la tournée de 1972-1973. Le second enregistré rapidement fin 1973 et lancé tout aussi rapidement. Comme un éclair. Un album de ses chansons préférées d'un passé tout proche.
À partir de septembre 1972, il était en tournée en Amérique du Nord. Terrorisé par l'avion, il avait pris le bateau. Y avait écrit la chanson titre de son futur effort sur disque. David avait connu une mauvaise expérience en vacances, en avion, et, quelques jours plus tard, son père mort lui était apparu en rêve (ou sous l'effet de la drogue) pour lui dire de ne plus jamais voler. C'était suffisant pour Bowie. DeFries n'haïssant pas ça. L'excentricité faisait vendre. Et en payant un coûteux transport de la sorte à lui, Zowie et Angie, il n'avait pas l'impression de ne pas payer son client. Elton John, Stevie Wonder et Led Zeppelin pouvaient garder leurs jets privés, un bateau était un clin d'oeil aux années 20, ce qui lui inspirerait aussi, Time.
Contrairement aux autres Britanniques qui essayaient de percer le marché Nord Américain, DeFries a fait sauter plusieurs étapes à sa star. Il le vendrait comme une star d'emblée et à force de le dire, on l'a cru. Bowie ne ferait aucune première partie ou de spectacles avec des compatriotes anglais comme deuxième ou troisième artistes de la soirée. C'était lui, la star. On demandait le plus large des pianos dans toutes les villes visitées. Rien de moins que des pianos de 9 pieds, sinon on annulait le spectacle. On avait construit une sorte de mur autour de lui, dans sa loge, afin que Bowie ne soit pas vu de personne, avant l'heure du spectacle. Bowie ne se déplaçait plus jamais sans son garde du corps, Stew. DeFries invitera les journalistes du Rolling Stones (dont un jeune Cameron Crowe) et ceux du Playboy pour des week-ends ici et là, et des séjours dans les hôtels. DeFries tricotait une Bowiemania qui n'avait pas de précédent, sinon la Beatlemania, 10 ans plus tôt. Lou Reed & Iggy Pop trainaient toujours autour afin de maintenir le chaos. Et assurer la drogue et l'accès à la débauche.DeFries fonde sa propre étiquette, à New York, Mainman. Nom que Bowie adore, se pensant l'homme principal d'importance. Mais ce serait plutôt Tony, au final, qui raflerait l'important capital. Pour DeFries, pour être riche, il faut dépenser richement, et se comporter comme si on était multi-milionnaire, même si on ne s'en approche pas. Fake it til you make it. Mais l'argent dépensé, c'était l'argent de qui ?
Cherry Vanilla, était la secrétaire de presse et ne lésinait pas sur les moyens de propagande les plus farfelus. Bowie est gay. Bowie est hypersexuel. Bowie est communiste. Elle mord même la fesse d'une journaliste. Bowie doit faire jaser. Son nouvel album sera à la fois incarnation froide d'un Ziggy prétendument mort, mais chantant encore et à la fois intemporel, capable de passer des années 20, aux années 50, au futur proche. La pochette sera culte. Cet album jouera plus d'un an dans ma première voiture neuve, dans les années 2000. Sans jamais que je ne m'en lasse. On garde l'esprit Ziggy. On greffe au band Mike Garson, qui sera aussi formidable que chaotique, malgré lui.
En effet, quand Woody Woodmansey rêve à voix haute d'une voiture dans un magazine, Garson s'en étonne et lui dit "N'en as tu pas une ou deux déjà ?". On découvre alors que le chèque de paie de Garson et ceux du reste du band, a un zéro de plus. Garson gagne dans les 4 chiffres, Pas les autres. Il gagne même 10 fois ce que les autres Araignées gagnent. On amène le problème à DeFries qui la joue têtu et leur dit qu'il paierait les techniciens de son plus chers si le trio avait à quitter et que ceux-ci les remplaçaient à pied levé. Quelque chose est définitivement brisé. Mais Garson sera un élément fondamental au son que Bowie vise. Croisant la musique classique, le jazz, la pop, le gospel, à peu près tout sauf le rock, amenant un côté avant-gardiste au David. Garson pratiquait 8 heures par jour pendant 10 ans. Et ça parait. Ça force tout le monde à jouer mieux. Toute la tournée, Garson se gardera des ouates dans les oreilles, incapable de supporter les cris des fans.
À Cleveland, une jeune femme de 22 ans, du nom de Chrissie Hynde, lui fait visiter la ville, en s'imposant dans sa limousine. 8 ans après les Beatles, Bowie allait jouer au Carnegie Hall de New York. Les albums de Bowie ne vendent pas tant aux États-Unis. Il doit réussir à NY. Les billets à 6$ se revendent à 50$ par les revendeurs. Ce sera un triomphe. La tournée qui ne comprenait que 8 dates, aux États-Unis, est prolongée de 8 semaines. Tout en autobus parce que Bowie craint l'avion. Au grand dam de DeFries. David vit On The Road de Jack Kerouac. Dans le Sud, on est hostile à sa prétendue bisexualité et supposée favoritisme face au communisme. Dans certaines villes du Sud, ils ne sont qu'une centaines dans la foule. Mais Bowie, en pro, leur fait un spectacle intime de style cabaret. Dallas et Houston sont même annulés. Mais les albums passés vendent.À Los Angeles, il adore les lieux, les gens, les groupies avec lesquels il a beaucoup de relations sexuelles, et la drogue. Crack baby crack gimme your head. Cyrinda Foxe, 19 ans, est dans les draps du de-plus-en-plus squelettique Bowie. Elle épousera plus tard, Steven Tyler, chanteur d'Aerosmith. Les prouesses sexuelles de David sont "largement" documentées. Son appétit sexuel effrayait même son entourage. Sa célébrité nouvelle a accentué cet appétit.
Mais ce qui effraie David, c'est de perdre sa santé mentale, comme sa mère. Comme son demi-frère. La tournée de 71 jours perd 7000$ par jour en hôtel et frais de toute sorte. DeFries réussit à passer la facture à l'étiquette RCA, mais en retour, le bonus de Noël est supprimé. RCA paie maintenant, mais Bowie paiera plus tard. Ça prendra du temps à David de comprendre que ce qu'il devrait gagner est aussitôt réinvesti partout, sur les groupies qui sont parfois jusqu'à 46, un même soir, à avoir une chambre dans un hôtel. Simplement pour faire la fête. Au frais de David. Quand Aladdin Sane est lancé, le premier album écrit alors qu'il est "star", devient son meilleur vendeur. Même si peu de chanson en single font vraiment mouche. Le premier single est un blues composé pour plaire à Ronson, mais aussi pour plaire à Cyrinda Foxe, qui y joue dans une video avant-gardiste pour l'époque.Bowie dira des États-Unis que c'est l'endroit où les gens sont les plus mentalement isolés sur terre. Lui qui n'a jamais mis un pied en Afrique ou en Océanie.
Vers la fin de la tournée, un fan arrache du poignet le "bracelet de mariage" de David. C'est hautement symbolique. Leur mariage est plutôt mort. Ils sont plutôt partenaires d'affaires. Quand Angie, voulant se venger de la plus grande liberté de leur "mariage ouvert" (does it ever work?) que prend David par rapport à elle, a une liaison avec son garde du corps, Stew, Bowie l'encaisse. Mais quand elle fait une fellation très publique à un de ses proches, devant des étrangers, il lui paie un billet de retour à la maison et elle est "bannie" de ses tournées.
Le projet était que David devienne une star et qu'après, ce serait le tour d'Angie d'être la rayonnante vedette. Mais Bowie oublie cette partie du plan. Angie passera une audition afin de jouer Wonder Woman, à la télévision, mais elle sera recallée quand elle refuse de porter une brassière. Écrite trois ans avant, The Prettiest Star, était ou bien une lettre d'excuse pour Angie, ou dramatiquement, un adieu. Bowie ne s'aime pas tant à cette époque. Il réalise que lorsqu'il était inconnu, le risque était moins grand. Mais maintenant, il y a avait attentes et pression. L'éclair dans son front représente sa fracture mentale.En tournée, les choristes, dont Geoffrey McCormack, un ami d'enfance de Bowie, futur Warren Peace, sont placés devant les Spiders. Ce qui humilie Ronson, Bolder et Woodmansey. Qui se sentent le band maison et anonyme d'une star. Payée moins chers que les techniciens de tournée.
Si le succès reprend en fin de tournée, aux États-Unis, au Japon, ce sera tout simplement immense. Et #1 pendant plus de 2 ans. Peu importe ce que lance Bowie. Ça ne lui échappe pas. Il aura toujours un "soft spot" pour le Japon, ses gens et sa culture. Le Japon le change à jamais. Même Angie et Zowie le rejoingnent. Ce sera la dernière fois que Zowie, 2 ans, verra ses deux parents, ensemble. Mais au dernier spectacle au Japon, Angie agite des chaises dans la foule afin de "sauver" des fans, "brutalisés" par la sécurité japonaise. Ça devient une émeute. On lui ordonne de se livrer à la police, mais elle fuit à Hawaï. Qu'elle ait raison ou tort, Bowie est en furie. Elle est bannie à jamais cette fois. Il la décrit comme une Femme à la finesse d'un camion lourd. Ils étaient amoureux partenaires il n' a pas si longtemps, ils sont maintenant sur deux rives différentes. Bowie revient...en bateau.
Aladdin Sane est un immense succès. Même si les singles ne seront pas mémorables. De retour à Haddon Hall, Ken Scott, George Underwood, Freddie Burretti, Lindsay Kemp, lui font un party. Mais Bowie est vidé. Il pèse tout juste 100 livres. Et dans à peine quelques jours, DeFries leur demande de jouer 60 autres fois. Aucun n'en a envie. Quand Visconti le revoit, il ne le reconnait plus. Il est devenu Ziggy. Perdu.
Les 60 dates sont annulées. "pour des raisons créatives". (NOOOOOT!) DeFries aime. Ça sauve la face, fait sérieux, et ajoute au mystère.
Enregistrant à la place Pin Ups, au Château d'Hérouxville, en France, inspiré par l'équipe d'Elton John qui y a enregistré ses trois derniers albums, Bowie fait un album exclusivement de reprises, comme si il mettait un point final sur son passé. Qui incluait Ronson & Bolder qui seront de l'album, mais pas Woodmansey, remplacé par Ainsley Dunbar, parce que trop irrité par l'histoire de la paie. Garson reste. On se parle peu en studio et tout est fait vite entre Juillet et août. On a hâte de se séparer. Ronson a un contrat d'album solo avec Mainman. Bolder veut faire autre chose. Bowie a le look de Ziggy sur la pochette, mais ce sera la dernière fois. Un nouveau personnage se dessine. En octobre est lancé Pin Ups. Mais le single de John, I'm Only Dancing, sur aucun album, est plus populaire que quoi que ce soit de ses reprises.Ziggy est mort. David a une moitié de vision. Enfin une vision qui sera amputée.
Halloween Jack, se pointe.
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