dimanche 19 février 2023

Halloween Jack & Chiens Diamantés

Novembre 1973.

Le magazine Rolling Stones qui avait suivi Bowie et ses Araignées de Mars jusqu'à la fin, fait une entrevue de David avec l'auteur de la beat generation William S.Burroughs. Bowie en gardera entre autre la technique du cut-up, co-inventée par Burroughs, d'écrire en prenant des mots indistincts les uns des autres et en en faisant des collages hasardeux, retravaillés, au besoin et à l'instinct. 

En fin de parcours, avec Ronson, Bolder et Ken Scott, tous largués de la suite, Bowie est submergé d'idées nouvelles et ne veut plus être identifié strictement à Ziggy Stardust. Angie et lui sont de plus en plus envahis par des fans à Haddon Hall et ça devient invivable. Le couple déménage d'abord à Maida Vale, dans un appartement loué à l'actrice Diana Rigg, et achète finalement sur Oakley Street, à Chelsea, plus grand. Tony DeFries trouve tout ça absurde et hors de prix pour lui. Bowie ne comprend pas, il vend pourtant prétendument maintenant près du million. 

Bowie fraye avec Rod Stewart & Ronnie Wood de The Faces. Par Wood, il fait aussi la connaissance de Mick Jagger et de Bianca Jagger. À trois, Wood, Jagger et Bowie, ils écrivent un soir la chanson It's Only Rock'N Roll (But I Like It). Dont Keith Richards effacera tous les passages de Bowie pour enregistrer les siens par dessus, et y faire juste assez de nouveaux arrangements pour que soit cohérent son nom dans les droits d'auteur et pas celui de David. Bowie multiplie les projets. Il co-produit et joue sur une reprise de The Man Who Sold The World qu'enregistre Lulu. Il joue du sax alto pour un morceau de Steeleye Span, et forme un trio de Ava Cherry, Jason Guess & Geoff McCormack qu'il nomme The Astronettes. On enregistre avec eux un projet qui s'appelle People From Bad Homes, qui sera presqu'aussitôt tabletté . Lancé en 1995, le projet sera rebaptisé The Astronettes Sessions. Bowie retravaillera certaines de ces chansons, pour lui, dans le futur.

Il miroite avec l'idée de faire de Ziggy Stardust une comédie musicale dont on ferait 40 scènes, présentées dans le désordre selon la méthode du cut-up de Burroughs, avant de penser maintenant faire autre chose que du rock'n roll. Il a envie de plus expérimental. Il a toujours envie de comédie musicale mais cette fois de faire d'une adaptation de 1984 de George Orwell. Quelques nouveaux morceaux naissent de cette thématique, au moins 4. Rebel Rebel, 1984/Dodo, Big Brother et Rock'n Roll With Me. Rebel, Rebel nait des leçons de guitariste que lui donnent Wood et Jagger.  C'est Bowie lui-même qui joue le riff avec Alan Parker à la guitare rythmique qui ajoute les trois dernières notes pour lui. Garson est toujours à bord, au piano, piano électrique et synthés. Herbie Flowers sera bassiste. Aynsley Dunbar, à la batterie. La descendance d'Orwell refuse à Bowie le droit d'adapter l'oeuvre majeure du défunt George. Bowie avait écrit tout de même 1984 dans les sessions d'Aladdin Sane et Big Brother avec cet objectif.

Tony Visconti, après avoir travaillé avec Marc Bolan, revient à la production. Il fera aussi les arrangement de cordes pour 1984. Keith Hardwood est le mixeur. Bowie doit maintenant se débrouiller tout seul. Il joue gros, mais afin de contrôler l'angoisse qu'un tel nouveau défi peut imposer, la drogue est toujours présente pour diffuser tout ça. Il s'inspire de l'univers de William S.Burroughs pour penser un personnage d'Halloween Jack, et de jeunes rescapés de l'apocalypse réfugiés sur les toits d'une ville en ruines. Keith Hardwood partage son travail du studio de Led Zeppelin qui enregistre Houses of the Holy au studio de Bowie, qui se sert du studio comme laboratoire. Une version très différente, et que je trouve personnellement si bonne (mais introuvable ailleurs que sur youtube) de Candidate y est composée. Je donnerais cher pour l'avoir sur mon téléphone ailleurs que de Youtube.

En octobre 1973, Bowie avait fait un spécial télé appelé The 1980 Floor où il avait présenté 1984 pour la première fois, fraichement composée. C'était le dernier morceau sur lequel travaillerait Ken Scott. Le retour de Visconti qui reprenait contact avec Bowie peu de temps après allait être une association qui sera extraordinairement importante pour la suite de l'oeuvre. Dodo avait aussi été composée dans le même souffle er croisée à 1984. Bowie créé beaucoup car il doit maintenant se prouver sans Ronson qui était un moteur créatif important. Il veut le prouver à tous.

Son mariage mort, il partage son lit régulièrement avec Ava Cherry, ce qui le met en contact avec la musique soul qu'il connaissait mais dans laquelle il s'investit davantage. Il a vent par elle que Tina Turner vit des moment difficiles liés à Ike Turner, qui est brutal à son égard. Bowie entre en contact avec Tina et lui fait faire des voix sur 1984. La chanson titre, Diamond Dogs, un blues, dans l'esprit de Jean Genie, est composée et des premières versions plus soul de que ce qui s'appelle alors Take It In Right /Can You Hear Me, est écrite. On avait commencé tout ça au Trident Studios de Londres, on termine quelques enregistrements au Ludolph Studios où les Stones enregistrent It's Only Rock'n Roll.  Jagger lui dira que leur projet de pochette d'album a été mis entre les mains du peintre artiste Belge, Guy Pellaert. Bowie est charmé par les créations de ce dernier. 

Avant de devenir une parodie de lui-même, il a envie de signer un dernier album glam-rock. Inspiré de l'excellent livre The Wild Boys de William S.Burroughs, il compose une intro présentant l'univers d'Halloween Jack et de ses semblables croisées de passage de Wizard of Oz. Après l'annonce qu'il ne restait que 5 ans à vivre, il annonce maintenant que ce n'est pas du rock'n roll*, que c'est du génocide. Halloween Jack est un real cool cat vivant sur les toits du Manhattan Chase Building dans l'espace urbain décrépi de Future Legend. Les Chiens Diamantés sont des jeunes sauvages vivant sur les toits des gratte-ciels, circulant en patins à roulettes parfois parmi les corps éparpillés au niveau du sol. Un riff de saxophone est inspiré par les Stones qui enregistrent à ses côtés. Il retravaille de manière plus soul, Candidate, qu'il croise à Sweet Thing avec laquelle il composait déjà, depuis un moment. Plusieurs diront que cette suite est le fait saillant de l'album avec ses références à la décadence, Charles Manson et Muhammed Ali. Bowie y confesse être peu à peu anéanti par ses propres créations sur scène. 

Par amitié de longue date avec McCormack, et par loyauté, Bowie lui accorde un crédit d'auteur pour Rock'N Roll With Me, composée autour des Astronettes. McCormack avouera n'avoir contribué que le piano (et a accompagné aux voix, bien entendu). Gothique et sombre, We Are The Dead reste dans l'esprit du monde apocalyptique de Burroughs. La guitare Wah-Wah est accentuée en studio par Visconti et Parker sur 1984. Shaft, d'Isaac Hayes avait fait fureur avec la popularisation de ce son. On se rapproche du funk. Big Brother qui ferme l'album est une forme de menace enveloppée de dangereux charme musical qui se termine avec un morceau tout à fait expérimental, une variation du two minute hate qu'il avait travaillé sur le 1980 Special Show, à la télé qui lui, était inspiré d'Orwell. C'est un morceau composé en 5/4 et 6/4 avec une guitare au son parfaitement discordant. Et un son répétitif rappelant la fin de A Day in The Life des Beatles qui avaient inséré un morceau expérimental en fin de chanson "pour faire capoter vos chiens dans le salon". 

Tiré d'une session de photos, Bowie demande à Peelaert de faire une pochette présentant Bowie mi-chien, mi-homme. C'était l'idée de base. La première version de l'album est alarmante, entre les jambes du chien on y voit un large pénis. Ce sera effacé pour les presses suivantes. Après le single de Rebel Rebel lancé en février, qui connait un excellent succès, l'album est lancé en mai, 5 mois avant celui des Stones, ce qui fâchera Jagger qui sera insulté que les gens pensent que ce sont eux qui copient Bowie avec la pochette signée Peelaert.

Une tournée est annoncée pour juin, Bowie voit très grand pour cette tournée. DeFries nourrit la mégalomanie qui ne fait pas penser à Bowie qu'il pourrait gagner nettement plus, personnellement. Tant qu'il est servi par ses idées artistiques, tant qu'il obtient tout ce qu'il a besoin, Bowie jamais ne se plaint. 

Il devrait. Mais ne le sait pas encore. La drogue s'installe confortablement dans ses routines.  

Commenceront de nouvelles aventures.

*On a tout volé aux gens qui ont la peau noire. 


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