Dans sa tournée Isolar Tour, à Rochester, Bowie s'était fait arrêter, piégé par deux femmes policières undercover, avec de la marijuana dans les poches. Une drogue que Bowie trouve insultante car il ne l'aime pas. Il se restera pas longtemps en prison. Une nuit tout au plus. Mais sa photo fait fureur. Il a l'air de se moquer de tout ça.
David et sa popularité sont si grandes que sa carrière survit aussi à un prétendu salut nazi et un intérêt marqué par la nazisme et son histoire. Très vite, Bowie quitte Le Clos des Mésanges, près de Montreux et va rejoindre Iggy Pop au studio du Château d'Hérouville, en France, où on y tricotera son premier album solo. Pop avait essayé de se réinventer avec son guitariste des Stooges, James Williamson, puis en auditionnant pour les Doors et Kiss, sans succès pour ses deux derniers essais. Mais avec Bowie, Pop se découvre une éthique de travail calquée sur son ami. Une discipline qu'il n'avait pas ailleurs. Il voudra Bowie près de lui. Carlos Alomar lui écrit un morceau. Iggy est convaincu. Il veut de l'influence de David et ses amis. Bowie connaissait le château d'Hérouville, en France, pour y avoir enregistré son dernier album avec les Spiders From Mars. Deux mois d'été y seront reservés par Bowie & Pop pour y faire The Idiot. Du nom du livre que Pop lit au moment de faire le disque, L'Idiot de Fyodor Dostoievski. Pop & Bowie ont fait un voyage à Moscou ensemble. Iggy en a ramené une envie de DostoeivskiBowie se lie d'amitié avec le propriétaire du studio au Château, Laurent Thibault, bassiste de la formation Magma. Il lui demande de jouer de la base pour Iggy et d'être l'ingénieur du son. Thibault suggère Michel Santangelli à la batterie, qui sera aussi engagé, au début. Mais très vite George Murray est amené à la basse et Dennis Davis, à la batterie. Bowie montre les morceaux en les jouant au piano électrique. Il finira par jouer de ce piano, de la guitare, du synthétiseur, du saxophone et fera des voix. Pop compose les paroles en studio et improvise même les paroles au micro, ce qui impressionne David. Qui fera la même chose plus tard. On travaille surtout la nuit, ce qui les rend vampires aux yeux de Thibault. Au mois d'août 1976, on se rend à Musicland, en Allemagne au studio qui appartient à Giorgio Moroder. Quand Jacques Higelin enregistre au même endroit, Pop est très attiré par la copine d'Higelin, une asiatique. Chinoise. Naitra une de ses meilleures chansons de l'album en cours. Nightclubbing est le dernier morceau qu'ils enregistrent avec Bowie utilisant une machine à batterie électronique.Bowie insiste pour réenregistrer avec un vrai batteur, mais Pop refuse. Aimant ce qu'il entend. Bowie essaie d'avoir Robert Fripp à la guitare, sans succès. On se rend à Berlin pour le mix final au studio Hansa. Tony Visconti s'y trouve déjà prêt pour le prochain album de Bowie. Bien que l'album est prêt à L'automne 1976, on en retardera la sortie, privilégiant une sortie de Bowie d'abord. Pour ne pas donner l'impression que c'est Pop qui influence David. Et le public attend Bowie, moins Pop, de toute manière.
Mais celui-ci lui prépare un coup de théâtre à sa maison de disque. Il entend faire un album qu'il n'est même pas certain de vouloir mettre sur le marché. En invitant Visconti, il lui demande ce qu'il faisait et celui-ci lui répond qu'il s'amuse avec un nouvel instrument "that fucks with the fabric of time". Ce sont les mots qu'il veut entendre pour travailler avec lui.
Fasciné par Berlin, Coco Schwab leur trouve un appartement pour y rester. Au dessus d'un garage. Beaucoup de ce qui s'appelle alors New Music: Night & Day, est déjà enregistré du Château d'Hérouville. Brian Eno, ancien claviériste de Roxy Music, se décrivant comme un non musicien, est extraordinairement ouvert aux expériences musicales. Il inventera presqu'à lui seul la musique nouvel âge. Eno est impressionné que Bowie eût remarqué et aimé son album minimaliste Discreet Music. Dont la popularité est restée, justement, discrète. Bowie veut, et pour toujours, vraiment expérimenter quelque chose de différent. Outre Alomar, Davis, Visconti et Murray, Eno, Roy Young, ancien claviériste des Rebel Rousers et Ricky Gardiner, guitariste de Beggars Opera se joignent à Iggy & Davy, tout comme Mary Hopkin, choriste et alors épouse de Tony Visconti. Ce dernier, et Visconti tricotent ensemble un son de batterie phénoménal. Aussi mécanique que lourd. Maintes et maintes fois copié depuis. Facilement 3 chansons utilisent ce son de batterie innovateur. On fait tout ça à Hérouville. Mais Bowie et Visconti s'empoisonnent alimentairement tous les deux et se plaindront de la qualité des services du studio.Bowie est tout de même dans un drôle d'état. Un état incertain. Avec Angie, on pense rupture. Avec la drogue, il pense aussi rupture, mais a peur que ceci freine sa créativité. Il se sépare aussi de son nouveau gérant, Micheal Lippman. Eno pousse les idées d'expérimentation, Alomar résiste le plus, mais fini par céder. Ne s'empêchant pas de parler de bullshit d'avant-garde les petits cartons que leur pointe Brian Eno. De retour à Berlin, cette fois au Studio 2, "By the wall", on enregistre trois pièces instrumentales, et on fait des voix. David veut garder le profil bas. Au lieu de faire un côté Nuit et un côté Jour, comme il pensait d'abord le faire, il fera un jeu de mots de sa pochette, un profil "bas", et les deux chansons de la Face A, Face qu'il avait anticipé faire de morceaux tous chantés, resteront sans paroles. La chanson qui termine la face A me fait verser une larme l'année dernière en mai à un mémorable spectacle hommage à Bowie à la Place des Arts. Always Crashing The Same Car, une métaphore d'erreurs répétées, qui fait aussi allusion à un incident qui lui est survenu à Los Angeles avec un dealer de drogue, est une de mes préférées dès la première écoute. Encore aujourd'hui, c'est un de mes morceaux préférés de Bowie. Le jeu de guitare entre Gardiner et Alomar est formidable. Avec l'orgue que Pink Floyd a utilisé pour enregistrer Matilda Mother, et inspiré d'une de ses albums préférés, The Madcap Laughs, Bowie enregistre non seulement un morceau ironique amoureux (alors qu'il se sépare) mais un clip aussi. Iggy accompagne David comme il l'avait fait avec TVC15 sur un morceau, aux voix. Un morceau presque John Lennonien.On utilise une autre photo du film The Man Who Fell To Earth pour la pochette et je crois sincèrement que mon amour pour la couleur orange y nait. Quand la compagnie de disque reçoit Low, ils sont tout en émoi. Ils refusent que cet album soit lancé fin novembre comme prévu. Avec 6 morceaux instrumentaux sur 11. Bowie gardera la lettre de refus et la fera encadrer. Refusera tout changement. L'album sera finalement lancé le 14 janvier 1977. Bowie refuse d'en faire la promotion et sera même discret claviériste d'une tournée d'Iggy Pop dont l'album est lancé en mars 1977.
L'album de Bowie est incompris et mal reçu par fans et critiques. Quand je l'entends pour la première fois, je suis dans une passe très difficile de ma vie et l'écho musical qui m'entre dans le corps n'en sortira jamais. Low sera mon album préféré à vie, et mon plus écouté. Parce que chaque fois, je le vis.Joy Division, Human League, Cabaret Voltaire, Arcade Fire, Magazine, Gang of Four, Wire sont tous de dignes héritiers de Low. Joy Division s'appelle même Warsaw à ses débuts.
Avec le temps, cet album vieillira comme du bon vin et deviendra culte.
Il vend peu alors, mais gagne en estime avec le temps. Je l'ai déjà dit, c'est mon préféré et je le connais par coeur. Cet album résonne en moi comme un deuxième coeur. The Idiot, comme un deuxième poumon.En tournée avec Pop, on retrouve Bowie au piano et aux synthés, Ricky Gardiner à la guitare, les frères Tony (à la base) et Hunt Sales (à la batterie) On est inséparables. On ne touche plus vraiment à la drogue, mais on compense largement en alcool. On compose beaucoup durant la tournée ce qui deviendra l'album Lust For Life, d'Iggy Pop, lancé en septembre 1977. Bowie co-écrira quelques morceaux encore et produira. Chaque fois qu'il enregistre Pop, il se réchauffe pour un album à lui. Quand on interviewe Pop durant sa tournée, on ne lui parle que de Bowie et ça le frustre. Pop sera plus présent en studio et dans les décisions de ce nouvel album.
De toute manière Eno, Alomar, Visconti, Murray, Davis et Bowie sont mentalement ailleurs aussi.
By the wall.
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