Les filles commencent à s'intéresser à moi, et vice-versa. Dans un an, je m'achètes mes premières cassettes originales. Reckless de Bryan Adams et The Dream of the Blue Turtles de Sting. Achetées le même jour. Surécoutées. Quand je reviens de l'école, j'écoutes coup sur coup CTV qui me présente une paire de lunettes dont les oeillères me montrent des clips musicaux. Aucune animation, simplement des clips. Ensuite, sur CBC, Samantha Taylor anime une émission où elle me parlera de 4 ou 5 clips d'artistes de l'heure. Je suis à l'école du rock tout 1984.
Bowie arrive vite dans l'ordre alphabétique des disques de Roger. B.Je découvres alors Let's Dance et tout ce qui vient avant de David. Je CAPOTES. Si varié, si audacieux. J'aime tout. Mais à partir de septembre, j'aime encore plus car je découvre (par Roger) son 16ème album, dont le premier morceau m'ouvre le ciel. Alors, je ne pense pas avoir connu meilleure chanson sur terre. Mais l'album en soi ne sera pas assez pour que j'investisse des sous dessus, je ne suis que camelot et la fonction de passeur de journaux n'est pas ce qui est de plus payant. J'investirai au contraire sur le Bowie passé. Que je découvres avec passion. Qui est ce martien comme moi qui aime l'étrangeté ?
Bowie vient de connaitre un immense succès populaire suivi d'une tournée mondiale épuisante, mais qui le rend toujours plus riche. Il réalise qu'il ne connait plus son public. Dans les premiers mois de 1984, il prends des vacances en Indonésie, à Bali & Java, avec son ami Iggy Pop, qui ne roule pas sur l'or. David veut retravailler avec Iggy, mais EMI pousse rapidement Bowie en studio afin de faire un Let's Dance 2. Bowie ne se sent pas prêt. Il ne le sera pas tant. Il a envie de continuer d'explorer le R & B, le funk, le reggae aussi. Il ne fera pas affaire avec Rodgers, ce qui le surprend. David veut prouver qu'il serait en mesure d'y arriver sans son aide. Mais il peine. Hugh Padgham, qui a produit XTC, Genesis avec Phil Collins, Peter Gabriel, et plus récemment The Police, qui a aussi été au sommet du monde pop, en 1983, est alors amené en studio. Ce studio est à Morin Heights, au Québec, à 54 minutes au Nord de chez moi et à 36 minutes de notre condo du Nord actuel. C'est Pagdham qui suggère Le Studio de Morin Heights, puisqu'il vient d'y enregistrer Sinchronicity de The Police, avec succès. Où Rush y a aussi brillé. Derek Bramble, anciennement de Heatwave, plus récemment, aussi producteur, est recruté par Bowie lui-même à la base, à sa grande surprise. Alomar est toujours à la guitare et sa surprise à lui est de voir David entrer en studio avec 9 à 11 chansons, ce qu'il n'avait jamais fait avec lui depuis 1974. Mais ce ne seront que des esquisses. Mark Pender, de la tournée, est gardé aux cuivres. Curtis King est gardé au choeur, George Simms aussi. Guy St-Onge, Québécois bien de chez nous, est aux marimbas, un xylophone africain omniprésent qui donne une saveur différente à l'album. Un aspect tropical. Sur Loving The Alien, son jeu est indispensable. Iggy participe beaucoup. Avec David, on se saoule, et dans une session intense de 8 heures, où la libre association est maître, on compose ensemble deux morceaux. Dont un est aidé de Carlos Alomar. Omar Hakim est engagé à la batterie et Carmine Rojas fait aussi un peu de base. L'année d'avant Bowie avait été accessoire dans le retour sur disque de Tina Turner, facilitant sa signature avec Columbia Records. Tina connaîtra une véritable renaissance. Reprenant même 1984 sur son album. Une chanson dans laquelle elle chantait déjà 10 ans avant. David l'invite à chanter avec lui sur la chanson titre de son nouvel album, une reprise d'une chanson d'Iggy Pop, moins soul, plus tropicale. Bramble aura de la difficulté à dire à Bowie que ce qu'il enregistre est mauvais. Bowie présente du plus sombre et compliqué, mais on le redirige toujours vers plus pop. Bowie compose un pastiche rock du gars qui veut se trouver une fille, et développe sur une critique des religions sur ce Loving The Alien qui restera toujours un de mes préférés morceaux de Bowie, mais que pour sa part, il n'aime pas, car il sent qu'il a pris la mauvaise direction musicale. Il la refera acoustique beaucoup plus tard. Plus près de ce qu'il s'était toujours imaginé.Bowie, en panne de création, tiens aussi à aider le portefeuille de son ami Iggy. Il tente des versions jazz, rock, une marche militaire et une version ska, mais choisit une version reggae d'un des morceaux que Pop avait composé avec James Williamson, en 1979. Il reprend un autre morceau de Lust For Life, qu'il avait en partie signé (comme Tonight) mais sur lequel Ricky Gardiner avait été co-auteur. Pour finir, il reprend un classiques des Beach Boys et un morceau de Chuck Jackson de 1962.Bowie, Bramble et Pagdham seront le trio de production. Inspiré d'une peinture de Vladimir Tretchikoff, il commande une pochette dans le même ton.
L'album sort en automne, le premier single Blue Jean, 14 jours avant. Ce single sera accompagné d'un mini film d'une vingtaine de minute où Bowie y joue deux personnages. Dont Screamin' Lord Byron, un artiste de la scène au visage bleu. À Temple, dans le clip, il le clôture en zoom-out avec sa philosophie de carrière. My song, my concept, my name. C'est même presqu'une chicane. Parlant "chicane", Alomar ne sera pas toujours d'accord avec les sous qu'on lui verse.On pas aussi patient que de nos jours avec les singles, et deux mois après Blue Jean, la chanson titre est aussi lancée en single, mais pas de vidéo ne l'accompagne. En novembre, Bowie rate l'invitation de Bob Geldof pour son idée de Band Aid. Il s'en voudra. Il chantera en revanche sur le remix 12 pouces Feed The World.
Début 1985, J'ai eu ma première blonde. C.P. J'étais aussi son premier chum. On s'est embrassé. On se tenait la main. J'ai peut-être touché ses seins. Elle, mon endurci machin. On s'est aimé pas super longtemps. On était vertes recrues de l'amour. On avait 13 ans.Quand, en mai 1985, le clip de Loving the Alien est lancé, se cimente alors ma passion Bowie à jamais. Le voir le visage encore en bleu, le cheveux jauni, est une image forte. Je le découvre musicalement depuis une dizaine de mois, cockney, hippie, rock' n roller, martien, proto-punk, soul, Krautocker, expérimental, pop...je le comprends soudainement audacieux. Précurseur.
Sur un album où il ne signe tout seul que 2 chansons, avec l'une d'elle, il me happe pour de bon et me garde dans son sillon sonore pour toujours. Avec deux clips coup sur coup où il a le visage bleu. Bleu comme l'étendue du ciel.
Bowie ne fera jamais rien comme tout le monde. Il est unique.
Hunter est aussi unique. Rare sont les Québécois baptisés Hunter. Et comme si tout ça était prédestiné, mon père est un Jones. Il a l'âge exact de mon père.
Doppleganger time.
À partir de maintenant je n'ai plus une fréquentation hasardeuse avec ce qu'il fait. Je le surveilles et l'attends. Je le cherche ailleurs. J'ai un nouvel ami. même si cet album est un creux musical abyssal pour David.Zowie ne se fait plus appeler Zowie. Plutôt Joey.
Joey changera encore de prénom.
Son papa n'en a pas fini avec les sons.
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