dimanche 28 mai 2023

Dans Les Souliers du Détective

Faisant le promotion de Black Tie, White Noise qui en avait besoin, Bowie fait la rencontre de l'auteur Hanif Kureishi dont le roman semi auto-biographique The Buddah of Suburbia est en cours d'adaptation en téléfilm de 4 parties pour la télévision britannique. Bowie, depuis au moins 1987, a autour de 40 morceaux encore en chantier. Il en retravaillera plusieurs avec Erdal Kizilçay     pour concocter un album enregistré rapidement en seulement 6 jours et mixé en 15.

 David Richards qui avait travaillé sur Heroes et Never Let Me Down co-produira avec Bowie.

Le livre de Kureihsi parle d'un jeune homme d'origine sud asiatique se découvrant sexuellement en banlieue britannique et voulant devenir acteur, croisant Charlie, un croisement entre Bowie, Sid Vicious et Billy Idol, dans les années 70.  En Californie, en une seule session de 3 heures, Mike Garson vient mettre ses épices claviéristes pour deux morceaux. Bowie ne se met aucune pression, adore le moment et s'inspire de T.Rex  , Eno, Roxy Music, Neu ! Kraftwerk et Pet Sounds des Beach Boys. On tricote un croisement de glam,jazz, funk, d'ambientes tapisseries sonores et de pop. Il pense refaire un morceau pour ses deux albums suivants, mais changera d'idée. Il fait d'un titre un anagramme du nom de l'auteur Hanif Kureishi. s'inspire de la musique indienne et de Prince. Lenny Kravitz est invité à jouer de la guitare sur une reprise de la pièce titre pour clôturer l'album. En novembre 1993, l'album est lancé en Europe exclusivement. En trame sonore. Il restera inaccessible pour nous jusqu'au 24 octobre 1995. Un mois après la sortie d'1.Outside. Il y a des petits bijoux sur cet album plus ou moins connu qu'est Buddah.

Au mariage de David & Iman, Brian Eno renouvelle son amitié avec Bowie. Les deux parlent projets. Eno, depuis la dernière fois où ils ont travaillé ensemble (1979), a connu beaucoup de succès à produire les Talking Heads ou U2, entre autres artistes, en plus de créer une demie tonne de tapisseries sonores en solo et d'inventer presqu'à lui tout seul, un nouveau genre, l'ambient ou ce qu'on appelait alors, le nouvel âge. Eno et Bowie se stimulent intellectuellement mutuellement. Et là, ils auraient envie de faire quelque chose pour les 200 ans de Kyoto ou encore une oeuvre qui marierait les arts visuels, la littérature, la musique, et l'expérimentation sonore sous toute ses formes. 

L'art brut de l'art de l'outsider, une création du peintre Jean Dubuffet, est une exposition permanente du Château de Beaulieu, qui se trouve à Lausanne, assez près d'où loge Bowie, en Suisse. En visitant l'exposition, Bowie s'en trouve formidablement inspiré. Il trouve intéressant de raconter une histoire qui serait narrée par un(e) malade mental, un(e) marginal(e), un(e) prisonnier(e) ou quelqu'un à la pensée suffisamment originale et principalement hors des normes conventionnelles. Eno et lui explorent l'univers de Damien Hirst qui place la mort au coeur de ses créations. Bowie peint et fait des collages de papier. Eno et lui visitent un institut psychiatrique à Vienne afin de se placer dans le ton qu'ils veulent donner à l'album. Quelque chose d'aussi ambient qu'incertain. Inconfortable au besoin. Glauque. On veut que celui ou celle qui écoutera l'album soit aussi en apesanteur que celui ou celle qui aurait perdu la tête, serait confiné(e) contre son gré ou se penserait incompris, mais qui en sommes, se moquerait de toute obligation. On cherche une certaine forme de liberté créative. Bowie a envie de rock industriel. D'original.

Mars 1994, David Richards, qui sera co-producteur avec Eno & Bowie, est dans la salle de contrôle. Reeves Gabrels a sa nouvelle guitare. Erdal Kizilçay est à la base et aux claviers. Sterling Campbell, à la batterie. Mike Garson au piano. Bowie & Eno quelques fois aux synthés aussi. Entre mars et novembre, on improvisera beaucoup ensemble. Stratégies obliques d'Eno, de retour. On dit à Campbell qu'il est le batteur viré d'un band africain et qu'il joue maintenant les notes qui lui étaient interdites de jouer. On dit à Garson tu es le pianiste qui doit soutenir le moral d'un groupe de terroriste en train de faire une opération interventionniste. Et ainsi de suite. 

À l'automne, pour son 100ème #, le magazine Q demande à Bowie de leur offrir 10 jours d'un journal racontant ce qu'il fait. Bowie propose mieux. Il racontera le journal du détective Nathan Adler, détective de l'agence Art Crime Inc. enquêtant sur le kidnapping et l'assassinat de Baby Grace Belew par un groupe de marginaux qui ont élevé le meurtre à l'état "d'oeuvre artistique" .  Plusieurs personnages se dévoilent comme Ramona A. Stone qui fait des bijoux de morceaux de corps humains, ou un minotaure ou encore Algeria Touchshreik qui garde tout ça bien gothique

L'album sera composé de plusieurs interludes teintés de cauchemar gore ou free-jazz.

L'époque voit le disque compact supplanter peu à peu tous les genres de modes de diffusion de nos artistes préférés musicaux. Je renouvellerai alors tous mes Bowie en CD, sur quelques années. L'internet est aussi en pleine lancée mondiale. Rien ne l'arrêtera et Bowie le comprendra vite. Il veut faire une trilogie de ce qu'il compose pour Outside. Les studios ne seront jamais convaincus. Il est forcé de retourner en studio afin de composer des morceaux qui seraient peut-être "des hits" plus séduisants pour les maisons de disques. Camille Paglia en inspire un. Il rajoute son morceau qu'il pense le plus populaire de Buddha Of Suburbia,  qui fût si confidentiel, en créé d'autres avec Eno, Carlos Alomar, Yosi Finne à la base et Joey Baron à la batterie. Baby Grace Belew devient Baby Grace Blue quand Adrien Belew n'apprécie pas beaucoup que son nom soit associé à un meurtre. Lui qui est père d'une adolescente. On a enregistré des tonnes de matériel, 35 heures, et bien que l'étiquette Virgin est maintenant convaincue d'embarquer, on ne veut pas entendre parler de trilogie. Bowie garde le 1. devant Outside quand même. Il croit en la partie 2. qui serait Contamination

Les critiques sont séduits. Le public étonnamment aussi. Même si ça ne joue pas beaucoup à la radio. Un film de Fincher et un film de Lynch mettent en valeur deux de ses excellents morceaux. Bannir le vidéo de The Heart's Filthy lessons aide à populariser l'artiste. Pour mes oreilles, pour moi, voilà son dernier très bon album. Un album concept contenant beaucoup de créativités intéressantes et très généreux en directions musicales. Mais qui ne sonne jamais faux ou emprunté.

Original. Bowie sera invité à jouer nul autre qu'Andy Warhol dans le film de Julian Schnabel, un peintre lui-même, excellent film traçant le portrait de l'artiste disparu trop jeune, Jean-Michel Basquiat. 

Kevin Armstrong est aussi invité à co-composer et jouer sur l'album écologiquement en carton et qui nous montre en pochette un autoportrait de Bowie. 

2 Morceaux de moins de 3 minutes ne seront pas retenus dans cet album déjà généreux offrant plus de 75 minutes de musique, son plus long album studio. Certains artistes, Bowie lui-même dans le passé, n'offrent que 34 ou 37 minutes d'un album entier.

C'est, je le répète, selon moi, le dernier grand album de Bowie. Si on ne gardait qu'une douzaine d'albums de Bowie, ce seraient pour moi The Man...Hunky Dory, Ziggy, Aladin, Diamond Dogs, Young A, Station to Station, Low, Heroes, Lodger, Scary Monsters, 1.Outside. Par ordre de création. 

Ma passion Bowie est renouvelée. 

Bowie, même si il se le fait croire encore un peu, comme moi, n'est pas complètement terrien.

Et ça, de le savoir, ça me fait encore du bien.

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