dimanche 28 mai 2023

Dans Les Souliers du Détective

Faisant le promotion de Black Tie, White Noise qui en avait besoin, Bowie fait la rencontre de l'auteur Hanif Kureishi dont le roman semi auto-biographique The Buddah of Suburbia est en cours d'adaptation en téléfilm de 4 parties pour la télévision britannique. Bowie, depuis au moins 1987, a autour de 40 morceaux encore en chantier. Il en retravaillera plusieurs avec Erdal Kizilçay     pour concocter un album enregistré rapidement en seulement 6 jours et mixé en 15.

 David Richards qui avait travaillé sur Heroes et Never Let Me Down co-produira avec Bowie.

Le livre de Kureihsi parle d'un jeune homme d'origine sud asiatique se découvrant sexuellement en banlieue britannique et voulant devenir acteur, croisant Charlie, un croisement entre Bowie, Sid Vicious et Billy Idol, dans les années 70.  En Californie, en une seule session de 3 heures, Mike Garson vient mettre ses épices claviéristes pour deux morceaux. Bowie ne se met aucune pression, adore le moment et s'inspire de T.Rex  , Eno, Roxy Music, Neu ! Kraftwerk et Pet Sounds des Beach Boys. On tricote un croisement de glam,jazz, funk, d'ambientes tapisseries sonores et de pop. Il pense refaire un morceau pour ses deux albums suivants, mais changera d'idée. Il fait d'un titre un anagramme du nom de l'auteur Hanif Kureishi. s'inspire de la musique indienne et de Prince. Lenny Kravitz est invité à jouer de la guitare sur une reprise de la pièce titre pour clôturer l'album. En novembre 1993, l'album est lancé en Europe exclusivement. En trame sonore. Il restera inaccessible pour nous jusqu'au 24 octobre 1995. Un mois après la sortie d'1.Outside. Il y a des petits bijoux sur cet album plus ou moins connu qu'est Buddah.

Au mariage de David & Iman, Brian Eno renouvelle son amitié avec Bowie. Les deux parlent projets. Eno, depuis la dernière fois où ils ont travaillé ensemble (1979), a connu beaucoup de succès à produire les Talking Heads ou U2, entre autres artistes, en plus de créer une demie tonne de tapisseries sonores en solo et d'inventer presqu'à lui tout seul, un nouveau genre, l'ambient ou ce qu'on appelait alors, le nouvel âge. Eno et Bowie se stimulent intellectuellement mutuellement. Et là, ils auraient envie de faire quelque chose pour les 200 ans de Kyoto ou encore une oeuvre qui marierait les arts visuels, la littérature, la musique, et l'expérimentation sonore sous toute ses formes. 

L'art brut de l'art de l'outsider, une création du peintre Jean Dubuffet, est une exposition permanente du Château de Beaulieu, qui se trouve à Lausanne, assez près d'où loge Bowie, en Suisse. En visitant l'exposition, Bowie s'en trouve formidablement inspiré. Il trouve intéressant de raconter une histoire qui serait narrée par un(e) malade mental, un(e) marginal(e), un(e) prisonnier(e) ou quelqu'un à la pensée suffisamment originale et principalement hors des normes conventionnelles. Eno et lui explorent l'univers de Damien Hirst qui place la mort au coeur de ses créations. Bowie peint et fait des collages de papier. Eno et lui visitent un institut psychiatrique à Vienne afin de se placer dans le ton qu'ils veulent donner à l'album. Quelque chose d'aussi ambient qu'incertain. Inconfortable au besoin. Glauque. On veut que celui ou celle qui écoutera l'album soit aussi en apesanteur que celui ou celle qui aurait perdu la tête, serait confiné(e) contre son gré ou se penserait incompris, mais qui en sommes, se moquerait de toute obligation. On cherche une certaine forme de liberté créative. Bowie a envie de rock industriel. D'original.

Mars 1994, David Richards, qui sera co-producteur avec Eno & Bowie, est dans la salle de contrôle. Reeves Gabrels a sa nouvelle guitare. Erdal Kizilçay est à la base et aux claviers. Sterling Campbell, à la batterie. Mike Garson au piano. Bowie & Eno quelques fois aux synthés aussi. Entre mars et novembre, on improvisera beaucoup ensemble. Stratégies obliques d'Eno, de retour. On dit à Campbell qu'il est le batteur viré d'un band africain et qu'il joue maintenant les notes qui lui étaient interdites de jouer. On dit à Garson tu es le pianiste qui doit soutenir le moral d'un groupe de terroriste en train de faire une opération interventionniste. Et ainsi de suite. 

À l'automne, pour son 100ème #, le magazine Q demande à Bowie de leur offrir 10 jours d'un journal racontant ce qu'il fait. Bowie propose mieux. Il racontera le journal du détective Nathan Adler, détective de l'agence Art Crime Inc. enquêtant sur le kidnapping et l'assassinat de Baby Grace Belew par un groupe de marginaux qui ont élevé le meurtre à l'état "d'oeuvre artistique" .  Plusieurs personnages se dévoilent comme Ramona A. Stone qui fait des bijoux de morceaux de corps humains, ou un minotaure ou encore Algeria Touchshreik qui garde tout ça bien gothique

L'album sera composé de plusieurs interludes teintés de cauchemar gore ou free-jazz.

L'époque voit le disque compact supplanter peu à peu tous les genres de modes de diffusion de nos artistes préférés musicaux. Je renouvellerai alors tous mes Bowie en CD, sur quelques années. L'internet est aussi en pleine lancée mondiale. Rien ne l'arrêtera et Bowie le comprendra vite. Il veut faire une trilogie de ce qu'il compose pour Outside. Les studios ne seront jamais convaincus. Il est forcé de retourner en studio afin de composer des morceaux qui seraient peut-être "des hits" plus séduisants pour les maisons de disques. Camille Paglia en inspire un. Il rajoute son morceau qu'il pense le plus populaire de Buddha Of Suburbia,  qui fût si confidentiel, en créé d'autres avec Eno, Carlos Alomar, Yosi Finne à la base et Joey Baron à la batterie. Baby Grace Belew devient Baby Grace Blue quand Adrien Belew n'apprécie pas beaucoup que son nom soit associé à un meurtre. Lui qui est père d'une adolescente. On a enregistré des tonnes de matériel, 35 heures, et bien que l'étiquette Virgin est maintenant convaincue d'embarquer, on ne veut pas entendre parler de trilogie. Bowie garde le 1. devant Outside quand même. Il croit en la partie 2. qui serait Contamination

Les critiques sont séduits. Le public étonnamment aussi. Même si ça ne joue pas beaucoup à la radio. Un film de Fincher et un film de Lynch mettent en valeur deux de ses excellents morceaux. Bannir le vidéo de The Heart's Filthy lessons aide à populariser l'artiste. Pour mes oreilles, pour moi, voilà son dernier très bon album. Un album concept contenant beaucoup de créativités intéressantes et très généreux en directions musicales. Mais qui ne sonne jamais faux ou emprunté.

Original. Bowie sera invité à jouer nul autre qu'Andy Warhol dans le film de Julian Schnabel, un peintre lui-même, excellent film traçant le portrait de l'artiste disparu trop jeune, Jean-Michel Basquiat. 

Kevin Armstrong est aussi invité à co-composer et jouer sur l'album écologiquement en carton et qui nous montre en pochette un autoportrait de Bowie. 

2 Morceaux de moins de 3 minutes ne seront pas retenus dans cet album déjà généreux offrant plus de 75 minutes de musique, son plus long album studio. Certains artistes, Bowie lui-même dans le passé, n'offrent que 34 ou 37 minutes d'un album entier.

C'est, je le répète, selon moi, le dernier grand album de Bowie. Si on ne gardait qu'une douzaine d'albums de Bowie, ce seraient pour moi The Man...Hunky Dory, Ziggy, Aladin, Diamond Dogs, Young A, Station to Station, Low, Heroes, Lodger, Scary Monsters, 1.Outside. Par ordre de création. 

Ma passion Bowie est renouvelée. 

Bowie, même si il se le fait croire encore un peu, comme moi, n'est pas complètement terrien.

Et ça, de le savoir, ça me fait encore du bien.

dimanche 21 mai 2023

Aimer Iman

L'histoire des relations amoureuses de David Bowie est assez longue. Et le mot amour ne s'y trouvait pas toujours. Parfois, ce n'était qu'échange de bons procédés, peau contre peau. C'était tout.

Il y a eu Hermione Fartinghale, Mary Angela Barnett qu'il a marié et avec laquelle il a eu un garçon, Duncan, en 1971. Ils ont divorcé en 1980. Leur mariage était très ouvert. Il y a eu Dana Gillespie, Cyrinda Foxe, Amanda Lear, Sabel Starr, Romy Haag, Ava Cherry, Deborah Harry, présumément Elizabeth Taylor, Bianca Jagger, Helena Springs, Queenie, Marianne Faithfull. Cherry Vanilla, Geeling Ng, Susan Sarandon, Vanessa Walker, Melissa Hurley, fort probablement Coco Schwab, et combien d'autres de passage, ses proches disant que si vous étiez partante, il n'était aucunement dur à convaincre. 

Mais là, son fils a 18 ans. Bowie en a plus de 40. Il a envie d'un peu plus de sérieux.

Zara Mohamed Abdulmajid est née en Somalie en juillet 1955. Elle est élevée musulmane. Elle sera rebaptisée Iman quelques années plus tard, à l'insistance du grand-père qui trouvait que ce serait un nom qui lui ouvrirait davantage de portes dans la vie. Iman signifie espoir en langue arabe, papa est diplomate en Arabie Saoudite. Elle a 2 frères et 2 soeurs. Sa mère est gynécologue. Iman est la toute première fille de 6 générations de garçons dans la famille Abdulmajid, elle est donc particulièrement couvée. 

À l'âge de 4 ans, elle est envoyée dans une école spécialisée en Égypte. Quand la situation politique s'aggrave en Somalie, elle reste en Égypte plus longtemps, toute son adolescence, tandis que le reste de sa famille se relocalise au Kenya. Elle étudiera brièvement les sciences politiques à l'Université de Nairobi, en 1975. 

C'est à l'université que le photographe Peter Beard la remarque avec sa grande taille. Il lui propose de déménager aux États-Unis et de faire carrière dans le mannequinat. Son tout premier contrat sera pour Vogue, rien de moins, en 1976. Rapidement, elle fera la Une de plusieurs magazines de mode. Et devient tout à fait supermodel.

Elle deviendra muse des couturiers Halston, Gianni Versace, Calvin Klein, Issey Myake, Donna Karan, Yves St-Laurent. Elle travaille avec les photographes Helmut Newton, Richard Avedon, Irving Penn, Annie Leibovitz

Elle joue dans un clip de Jermaine Jackson, dans Miami Vice, The Cosby Show, dans les films Out of Africa, No Way Out, Surrender

De 1973 à 1975, en Afrique, elle est mariée à Hassan qui ne semblait pas avoir de nom de famille. Mais son départ en Amérique force le divorce. De 1977 à 1987, elle est mariée au basketballeur Spencer Haywood, avec lequel ils ont une fille, Zulehka, née en 1978. 

Ironiquement Haywood était aussi le prénom du père de David Bowie. Mais pour le moment, David et Iman ne se sont jamais croisés.

Très intelligente, elle se reconverti en brillante Femme d'affaires dans les marques personnelles de cosmétiques et dans toutes sortes de choses liées au domaine de la mode. Elle est riche et parle couramment 6 langues différentes, le somalien, l'arabe, l'italien, le français, le swahili et l'anglais.

En 1990, le coiffeur de Bowie, et celui d'Iman, à New York, est le même. Il invite les deux, au restaurant pour une soirée dans le but précis qu'ils tombent amoureux l'un de l'autre. Bowie, qui compose pour un prochain album solo, intitule Abduljimad un morceau qu'il travaille instrumentalement depuis les années de Berlin. Iman lui reste en tête. Le soir où ils se jasent autour d'une table au resto, David lui propose de la ramener à la maison, elle insiste pour conduire sa propre voiture, elle-même. Elle est indépendante et restée farouche après deux divorces, face aux engagements amoureux. Le lendemain matin toutefois, elle pense encore à lui, et, puisqu'il est Anglais, pense bien faire en l'invitant boire du thé. Sans savoir que David ne boit pas de thé. Ils iront prendre un café ensemble à la place.

Le plan de leur coiffeur fonctionne, ils tombent amoureux l'un de l'autre. Le 24 avril 1992, à Lausanne, David et Iman se marient dans une cérémonie privée, confirmée à Florence, en Italie, le 6 juin suivant. 5 jours plus tard, celle qui partagera le reste de ma vie aussi, célèbre ses 22 ans. Je ne la rencontrerai qu'en octobre, toutefois.

Après un concert de Tin Machine à New York, en 1991, David avait renoué avec Nile Rodgers. Les deux n'avaient pas re-connu de giga-succès comme Let's Dance, il y avait presque 10 ans. Sans viser la même chose, on avait commencé à tricoter un morceau ensemble qui allait se rendre sur la trame sonore du film semi-animé Real Cool World. À Los Angeles avec Iman, exactement au moment où les émeutes pillaient les rues de la ville des anges, suite à l'absolution des policiers qui avaient battu injustement Rodney King, David et son épouse sont forcés de rester dans leur hôtel et d'être témoins en regardant de leur fenêtre. Emprisonnés tout en ayant les yeux sur ce qui ressemblait à une émeute de prison. Son récente mariage et les divisions raciales influenceraient directement son projet suivant.

Étant (comme moi) un immense fan du cinéaste David Lynch, il insiste auprès de lui pour collaborer et se déniche le rôle clé de Phillip Jeffries. Un rôle d'une seule séquence, dans le film Twin Peaks: Fire Walk With Me. 

C'est une étiquette affiliée à Sony qui acceptera l'ancien tandem gagnant de Let's Dance, 10 ans plus tard. Mais l'association ne sera pas très heureuse. Rodgers veut travailler du hit et pondre Let's Dance II. Bowie veut calme, posé, jazzé, représentatif de son heureux mariage. Au final, Rodgers dira que ce fût un exercice en futilité et n'en glissera pas une ligne dans son autobiographie, n'y faisant aucune référence. La nouvelle étiquette de disque Savage signera sa mort avec cet album en investissant tout le peu qu'ils avaient sur Bowie. Ce dernier engage Al B.Sure, Tony "Wilt T" Springer, ses amis Mike Garson et Mick Ronson, Lester Bowie sur plusieurs morceaux. Pour Ronson, ce sera son dernier tour de piste, il décède du cancer 24 jours après la sortie de l'album, en avril 1993.

Bowie & Iman détestent tous deux La Marche Nuptiale de Wagner et ne l'utiliserons pas pour leur mariage. Ils préfèreront le chant bulgare Kalimankou Denkou. David retravaillera un morceau qu'il a composé inspiré du jour de leur mariage. Il en fera plusieurs versions , se gardant pour son 18ème album, une version instrumentale et une version chantée qui ouvre et ferme l'oeuvre finale. Il reprend des morceaux abandonnés pour Tin Machine. Rend hommage à ses idoles. Nile Rodgers y va de jolis insert de Les Paul, à la guitare. Iman lui fait découvrir Thara Mint Hembara, chanteuse mauritanienne vivant à Paris et Bowie est charmé. Il écrit sur son demi-frère suicidé

Bowie tourne les pages d'une vie enrichie par sa nouvelle meilleure amie. 

Il était sur les toits de la ville de la faim, à Crack City et avec une nouvelle carrière dans une nouvelle ville. Il devient heureuse banlieue.

Presque plate pour nous, par contre. 

dimanche 14 mai 2023

Deux Chants du Cygne

"It's time for me to put a lot a songs to bed" dira Bowie. 

C'est fin 1990 et Bowie regarde derrière et réalise qu'il a un large catalogue duquel il voudrait peut-être se débarrasser afin de concentrer sur le maintenant et le futur. Il jure qu'il jouera ses chansons pour la dernière fois en annonçant la tournée Sound & Vision qui s'amorce à Québec le 4 mars et dont je suis dans la foule. Bien entendu, ce ne sera pas vrai. Il en rejouera quelques unes de celles-là, dans les tournées futures.

Il enligne Space Oddity, Changes, TVC15, Rebel Rebel, Golden Years, Be My Wife, Ashes to Ashes, John, I'm Only Dancing, Queen Bitch, Fashion, Life on Mars ?, Blue Jean, Let's Dance, Stay, China Girl, Ziggy Stardust, Sound & Vision. Station To Station, Alabama Song, Young Americans, Panic In Detroit, Suffragette City, Fame, Heroes, The Jean Genie, Pretty Pink Rose, Modern Love et termine encore comme à l'époque de Ziggy, dans le même but de changer de vie, avec Rock'n Roll Suicide

Étrangement, on ne fera pas, à Québec, Starman, morceau qu'on fera ailleurs dans la tournée. Peut-être que l'écran (qui ne fonctionnait plus après la première chanosn, à Québec) y était essentiel.

Pretty Pink Rose est un morceau enregistré sur un album solo d'Adrien Belew, sur lequel Bowie a collaboré. Belew est directeur musical de la tournée et à la gauche de Bowie sur scène. Guitare au cou. Belew avait été guitariste avec le band de Frank Zappa à la fin des années 70 et avait participé à Lodger de Bowie. Il avait aussi joué 4 mois sur scène avec David dans la tournée Isolar II qui deviendrait l'album en spectacle Stage. En plus de jouer avec Talking Heads, Tom Tom Club, King Crimson et d'avoir son propre band GaGa. Il avait trois albums solos avant la tournée Sound & Vision avec Bowie et a lancé Young Lions, son quatrième, à cette époque.

La tournée fera 8 villes canadiennes, Québec, Montréal, Toronto, Winnipeg, Edmonton, Calgary, Vancouver. 15 villes d'Europe suivront avant de revenir en Amérique du Nord, pour 7 villes de la côte Est des États-Unis. On s'est rendu deux soir à Tokyo avant de revenir en Amérique du Nord, à Vancouver à nouveau, puis 17 villes des États-Unis, un peu partout, des spectacles à St-Jean, Moncton, Toronto à nouveau, Ottawa, et 8 autres villes des États-Unis. On fait 21 villes d'Europe, avant de faire 6 spectacles en Amérique du Sud. La tournée se conclut fin septembre, à Buenos Aires. 

Le spectacle le plus payant est celui de Toronto, le 4 juillet, rapportant près de 2 millions à l'équipe de tournée. Le spectacle le moins payant est aussi au Canada, à St-Jean, où on amassera autour de 126, 000$.

C'est un (faux) chant du cygne de plusieurs des morceaux du caméléon.  Une nouvelle version remixée de Fame est d'ailleurs mise sur le marché et garde son nom en solo sur le marché.

Mais un second chant du cygne se dessine.

Tin Machine.

L'expérience tourne un peu au vinaigre. Hunt Sales n'en est pas l'unique cause, mais une importante tout de même. Il est très versé vers les excès d'alcool et les excès de drogue. David est papa. Il est ailleurs. Il est passé par là et ne s'amuse plus de la chose. De plus, Tin Machine II n'a pas vendu comme le premier l'a fait. Et le premier n'avait pas tant vendu non plus. Le second album de Tin Machine avait été lancé sous l'étiquette Victory via London Records. Avec une entente de faire un autre album pour London Records. Mais le band, en tournée, attire la frustration. Les gens veulent entendre du Bowie mais on ne joue que du Tin Machine. Des reprises des Pixies, des Moody Blues et de Neil Young. Bien entendu leur version d'une chanson de Roxy Music, qui est du second album, aussi. En spectacle on étire Heaven's In Here sur 12 minutes, Stateside, une des 2 chansons chantée par Hunt Sales, est étirée sur 8 minutes. 

Ce troisième album, celui promis à London Records, sera un album en spectacle car on arrive pas à se rassembler en studio pour faire quelque chose de solide ensemble. Les morceaux de l'album en spectacle seront tirés de spectacles à Boston, New York, Chicago, Tokyo et Sapporro. 

C'est Hunt Sales qui suggère le titre de l'album comme un clin d'oeil par rapport à ce que U2 vient de lancer avec un vif succès, Achtung, Baby, on nommera cet album Oy Vey, Baby. London Records insiste pour qu'on place Live avant le titre. Hunt, à l'époque, en 1991, suggérait d'appeler un second album en spectacle Use Your Wallet, afin de faire un autre clin d'oeil, à Gun's & Roses cette fois, qui avait beaucoup de succès avec Use Your Illusions.

Mais le succès n'est nulle part autour de Tin Machine. Ça agace terriblement les maisons de disques et ça commence à agiter David. Pour la première fois depuis 1967, un de ses albums ne se rend dans aucun palmarès. 

Ça suffit pour David.

Il retournera à sa carrière solo.

Et ça lui prendra une maison de disque avec des reins plus solides.

David s'apprête à revenir au bercail.

Et Don Juan, à se dompter.  

À la fin de la tournée Sound & Vision, sa compagnie de production Isolar co-produit une comédie dans laquelle Bowie aura le rôle principal. Dans The Luigini Incident, Bowie incarne un immigré magouilleur, employé de restaurant qui se lie d'amitié avec une serveuse, qui est aussi artiste d'évasion dans ses temps libres, afin de se marier et obtenir sa carte verte. Une amie du duo souhaite voler son employeur, un designer de lingerie afin que le trio réalise ses rêves. Le film est lancé le week-end du verdict de non culpabilité des policiers qui avaient battu Rodney King à Los Angeles. Les émeutes sont partout, aux États-Unis. Il y aura couvre-feu. Ça tue les sorties au cinéma. Le film, scénarisé par Tamar Brott & Richard Sheppard et qui est tourné par ce dernier, est de toute manière mollement reçu. Un petit côté culte fonctionne toutefois. Et le film gagne en popularité dans les niches de diffusion la nuit et en location vidéo. Il sera retitré trois autres fois, ce qui confirme l'inconfort autour du film. On le retrouve aussi sous les titres Shag-O-Rama, The Robbery' et Houdini & Co.

Instable.

Bowie veut stable.

Stable partout. C'est maintenant. En amour, en tout cas.

Ce sera finalement un troisième chant du cygne.

Celui du coureur de jupons. 

Sur le tournage il fait la rencontre d'une belle Somalienne qui y tient un petit rôle.

C'est le début d'une belle aventure.

dimanche 7 mai 2023

Chic, Grunge & Barbu

Bowie clôture 1987 en tournant pour Martin Scorsese dans le rôle de Ponce Pilate pour son adaptation de The Last Temptation of Christ de Nikos Kazantsakis. Ironiquement, il prend le rôle qui avait été prévu pour Sting qui l'a refusé parce qu'en production d'un fameux album. Je dis ironiquement parce qu'en 1985-86, pour le James Bond, A View to a Kill, on avait voulu Sting dans le rôle de Zorin, qu'il avait aussi refusé parce qu'en tournée. Bowie était aussi le second choix. Mais David avait prétexté des engagement ailleurs, mais ne voulait plutôt pas être associé aux James Bond. Zorin ira à Christopher Walken. Bowie ne mentait pas tant occupé alors à tourner dans Into The Night.  

Même si la dernière tournée a été payante, l'homme de 41 ans comprend qu'il n'est plus la saveur du jour, ni le parfait précurseur qu'il était, et qu'il joue peut-être à "essayer de paraitre jeune". Il ne pense pas encore se retirer, mais son rôle sur scène doit changer. Les routines de danse et les costumes multicolores ne semblent plus appropriés. Il tient à explorer encore et encore. 

De plus, travailler en équipe comme il l'avait fait avec les Araignées de Mars ou Young Americans, Station to Station et la suite commence à lui manquer. C'est à ce moment qu'une rencontre fortuite le replace sur la route de Reeves Gabrels, qui le ramènera dans l'état d'esprit collégial qu'il recherchait. Sara Terry travaillait au marketing de la Glass Spider Tour. Son époux, Gabrels, n'était pas le genre à se "vendre" aux autres. Il est guitariste pour la formation The Dark et Sara glisse une cassette à David le mettant en vedette. Quand Bowie le rencontre, leur intérêt commun pour le jazz et l'architecture les rapprochent davantage. Bowie aime son jeu de guitare qui croise les talents de Earl Slick et de Robert Fripp. 

Début 1988, Bowie est sensible aux sons des Pixies, Sonic Youth ou Dinosaur Jr, qui ouvrent la porte au grunge à venir. Ces bands rejettent les batteries pré-enregistrées et les synthés. Le grunge sera très guitare (généralement lourde) d'abord. En juin, Bowie invite Gabrels pour un spectacle mettant en vedette la troupe de danse Québécoise Lalala Human Steps, et dont les fonds iront aux urgentes rénovations de l'Institut Contemporain des Arts, à Londres. 

En retravaillant avec lui Look Back In Anger, de Lodger, Bowie se convainc qu'il veut créer en équipe avec Reeves. 

Deux mois plus tard, on s'installe à Montreux pour y travailler des morceaux en invitant les frères Sales, Hunt à la batterie et Tony à la base, avec lesquels Bowie avait travaillé pour Lust for Life, album d'Iggy Pop de 1977. Kevin Armstrong qui avait été guitariste sur Dancing in the Streets et Absolute Beginners ne sera pas membre officiel, mais invité sur quelques morceaux. Il trouvera difficile de jouer avec la batterie trop lourde de Hunt Sales qui enterre tout selon lui. On choisit le nom du deuxième morceau qu'on tricote comme nom de groupe. Le jeune Tim Palmer est amené au mixage, beau flair à nouveau, afin de donner un air frais au produit fini. Palmer, dans deux ans, sera le mixeur d'un des albums les plus important du style grunge, Ten de Pearl Jam.  

On continue de faire référence à Jean Genet pour un des meilleurs morceaux de l'album, et le troisième single. on critique l'usage de la drogue (même si Hunt y plonge) sur un air qui évoque The Troggs, à Nassau, et en mer, on compose un excellent morceau avec Armstrong, le premier single est mon morceau préféré, rageur, proto-punk, video à l'appui, Bowie écrit son amour pour Melissa Hurley, de 18 ans, sa cadette. on reprend Lennon, la guitare stridente de Gabrels croise la meilleure imitation d'Anthony Newley, Bowie écrit inspiré de ce que Sean Penn lui confesse sur Madonna, on jase de Ted Bundy qui vient de confesser un paquet d'assassinats avant sa chaise électrique, on enregistre à Nassau rapidement et inspiré de Metallica, et on ferme en demandant à Gabrels d'improviser sa guitare comme il l'aurait fait sur du jazz. Stratégie que Bowie avait fait avec Mike Garson pour Aladin Sane, au piano.  

On électrise et on offre viril tout en s'habillant de manière très classique, chic complet veston cravate, sur la pochette comme dans les clips. Pour la tournée qui suivra, Ce sera simplement du Tin Machine. Dans des salles de pas plus de 2000 spectateurs. Le Roxy de L.A., où on y tourne les clips. À la Cigale de Paris. Au Paradiso d'Amsterdam. Les billets se vendent parfois à autour de 600$. Ce qui est une folie alors, le prix régulier de nos jours. Même pas pour une bonne place.

Bowie voulait renouer avec son public, mais le voulait-il tant que cela ? Il présente le band comme un band. Comme une vraie démocratie, lui comme membre d'un band.  Mais Bowie a 10 ans de plus que Gabrels et Hunt Sales. 7 de plus que Tony Sales. Et une carrière plus nourrie. Gabrels apprend la business d'eux. Les frères Sales repoussent ses limites en multipliant les conseils au "petit frère" mais Gabrels met son pied à terre et leur demande de fermer leur gueule de temps en temps. Ça marche un peu. 

Le public reste déstabilisé. On voudrait voir et entendre du Bowie. Ils ne feront que du Tin Machine et quelques reprises de bands qu'ils aiment. Mais tout le monde reconnait Bowie sur scène. Même si il porte la barbe. Et la maison de disque n'est pas nécessairement contente de mousser un album d'un band que personne ne connait de nom. Ils avaient signé Bowie pas Tin Machine. L'album lancé en 1989 ne donne pas nécessairement les résultats escomptés. Trop brut comme son de guitare pour les radios, donc, ça ne joue pas. EMI abandonne Bowie. Même si la maison de disques a l'impression que c'est Bowie qui les avait abandonné, avant. 

En pleine tournée de Tin Machine, Bowie compose toujours avec le band. Rykodisc est choisie pour resortir tout le catalogue Bowie. Un fameux coffret est lancé et je l'achètes en version cassette. La CD existe, mais n'a pas encore fait ses preuves. Ça prendra deux ans encore avant que je ne n'achètes mes premiers CD de Bowie. J'ai tout de Bowie en cassettes enregistrées de 33 tours, sauf Never Let Me Down et Tin Machine. Que j'ai alors en cassette (mais corrigerai la chose dans les années 90). 

Le coffret Sound & Vision me réconcilie avec les dernières offrandes de Bowie. Une version de Candidate, introuvable de nos jours, vraiment introuvable ailleurs que sur Youtube, me plait beaucoup. On a du matériel pour un deuxième effort qu'on commence à enregistrer dès septembre, entre Los Angeles et Sydney, deux villes d'impact dans la vie de Bowie. 

La ville de la mort pour la première, de la renaissance pour la seconde. Selon lui. 

Le coffret se vend si bien qu'une tournée "d'adieu" est mise sur pied pour faire encore plus d'argent. Jusqu'en décembre on travaille ce qui deviendra Tin Machine II. Mais Bowie commence 1990 avec les préparatifs pour la tournée Sound & Vision. Et à partir de mars il commence sa tournée mondiale, à Québec, le 4, un mois jour pour jour après avoir fêté mes 18 ans, un spectacle que je ne manque pas, au Colisée de Québec. Un écran géant "révolutionnaire" pour l'époque montrant des scènes pré-tournées avec Louise Lecavalier de Lalala Human Steps, devait fonctionner, mais ne le fera que pour la première chanson (Space Oddity) avant de ne plus fonctionner du tout pour le reste du spectacle. Québec est le tout premier spectacle de la tournée, nous aurons été un test de prod. 

Mais Bowie avec sa guitare, quelque fois son saxophone, Adrian Belew, à la guitare électrique et directeur musical, Erdal Kizilçay à la basse et aux voix, Rick Vox aux claviers et Micheal Hodges à la batterie sont sur scène et me ravissent les sens. 

Bowie veut enterrer un peu. Et repousser autrement. 

Tin Machine lui donne cette chance. Travailleur en équipe. 

Il est sur le point de se bâtir une nouvelle équipe au privé aussi. Joey a 18 ans, il choisit de se faire appeler Duncan. Bowie s'intéresse au rock brut, mais industriel également. Il s'informatise davantage. 

Et étrangement, s'humanisera aussi. Melissa et lui c'est fini. L'écart d'âge y a joué. 

Il est Tin Machine, mais écoute inlassablement Pretty Hate Machine.

S'ouvrira encore un nouveau monde pour lui. 

Et pour nous.

L'Adieu Parfait

En 2013, après de rares apparitions publiques depuis plus de 10 ans, son album The Next Day connait un franc succès. Le 25 mars de cette mê...