Le soir du 10 septembre 2001, je suis en train de fêter avec ma réalisatrice, mon producteur, l'équipe de tournage. Je suis scénariste et on a gagné le prix du public au Festival des Films du Monde dans les courts-métrages. On étire jusqu'à passé minuit parce que le 11, c'est l'anniversaire de ma réalisatrice. Aujourd'hui dans l'équipe de tournage de
L'Échappée. On sera les premiers à lui souhaiter bonne fête en direct.
Le lendemain, après avoir écouté l'émission du matin de Radio-Canada, Michel Viens conclu, à 8h59, qu'on apprend à l'instant qu'un avion vient de s'écraser contre une tour du World Trade Center. Un possible accident dira Viens. Je ferme la télé et me rends à l'ordi. Sur le net (bloquant la ligne téléphonique) je télécharge des MP3. Plein de MP3. J'écris même ce que je vous écris sur Bowie, un peu. J'ai beaucoup de plaisir à revisiter. Mais avec beaucoup moins de sérieux. Je finis pas abandonner. Vers midi, j'appelle un de mes amis, stagiaire neuropsy à Ste-Justine. Là où est né notre fils, Monkee. Je lui demande des choses anodines, je ne me rappelle plus trop quoi, il est autour de midi. Il me coupe et me demande si je réalise que c'est peut-être actuellement la fin du monde, ouvre ta télé, Jones !
Ma réalisatrice s'est fait voler son anniversaire en Amérique pour toujours.
Effectivement, ce sont les attaques des deux tours jumelles. On commence à comprendre ce qui s'est passé. C'est l'horreur. On fréquente les soirées cinéma amateures Kino entre amis. C'est peut-être pour ça que je l'appelais d'ailleurs. On essaie de continuer à vivre normalement, mais le rappel est partout. Dans les films de Kino, la complaisance et le narcissisme est au rendez-vous, on se filme en train de réagir aux tours jumelles. Nul. La peur est surtout au rendez-vous.
David Bowie a retravaillé avec Tony Visconti sur un morceau commandé pour le film d'animation
The Rugrats Movie. Mais la scène au final, est coupée et le morceau ne voit jamais le jour. Toutefois, la relation entre Visconti et Bowie, qui n'avaient pas travaillé ensemble
depuis 1981, semble être revenue en harmonie. Les deux trentenaires sont devenus des hommes de plus de 50 ans. Des parents. Bowie fait du bouddhisme, Visconti du Tai Chi. Pour l'album fantôme
Toy, Bowie avait retravaillé avec lui des morceaux de fonds de tiroirs qu'il avait depuis les années 60. Il était aussi devenu papa pour la seconde fois quand la petite Alexandria Zahra Jones voit le jour en août 2000. Visconti a 4 enfants lui-même, dont 2 avec May Pang,
la "blonde de location" de John Lennon dans son "Lost Weekend" de 1975. Pang & Visconti viennent de divorcer.
David prends le temps de faire un caméo pour Ben Stiller, au cinéma.
On travaille
un bout de temps dans le studio de Manhattan de Visconti. On discute de visiter le vieux studio Allaire à Shokan, New York, petite ville des Catskills. Construit en 1928, le studio, avec ses grandes vitres, surplombe la ville de Woodstock et le réservoir Ashokan. L'environnement, les noms autochtones, l'espace est presque
spirituel. Bowie y tricote
une douzaine de chansons sur lesquelles Visconti y apportent des idées de base guitar. Il finira par faire des voix et jouer aussi de la flute. Bowie jouera du synthé, de la guitare et même de la batterie. Matt Chamberlain, anciennement de Pearl Jam, est amené à la batterie. David Torn, Gerry Leonard, Carlos Alomar,
Pete Townshend joueront de la guitare. Sterling Campbell fait un peu de percussions, Lisa Germano, du violon, il y a
traces de Mark Plati et le claviériste de Dream Theater
Jordan Rudess y jouera aussi. Kristeen Young, la nouvelle amoureuse de Visconti, et ce jusqu'à nos jours, y fera du piano et des voix. Visconti et Bowie travaillent avec des cuivres et
le Scorchio Quartet. Dave Grohl, ancien Nirvana et leader des Foo Fighters fait de la guitare aussi sur
une reprise d'
un morceau de Neil Young. Bowie, glisse pas moins de
3 reprises. Young, une des
Pixies où il joue de la batterie et
retourne l'ascenceur à
celui qui l'avait en partie inspiré pour Ziggy Stardust.
3 autres morceaux seront
retranchés.
Certaines de ses paroles ont des liens directs aux évènements tragiques du 11 septembre 2001. Bowie retravaille 2 morceaux de Toy, dont un inspiré d'un personnage de télé britannique des années 70, en Angleterre. L'album est lancé le 10 juin 2002. Le lendemain, mon amoureuse fête ses 32 ans. Bowie annonce une tournée qui commence exclusivement sur son site Bowie.net, pour ses abonnées (très) payants. Ensuite sur la route, en Europe et aux États-Unis, parfois jouant entièrement les albums Low et celui-là, Heathen. C'est un succès, pas mal tous les journalistes parlent "du retour de Bowie".
Mais pour le public, ça reste un artiste distant et d'autres époques.
Justement, dès la fin de la tournée, en octobre 2002, Bowie, sur un momentum heureux, annonce à son équipe qu'un autre album serait concocté rapidement. Dès janvier 2003, Bowie retourne en studio à New York avec Visconti à la base et Mario J.McNulty à la batterie pour y faire quelques démos. On veut faire moins ésotérique que ce qu'on vient de faire avec
Heathen. Sterling Campbell, Earl Slick, Gail Ann Dorsey, Gerry Leonard, Mike Garson, seront de l'équipée. Catherine Russell (avec parfois Dorsey) fait des voix.
Dès la première ligne du premier morceau, qui sera aussi le premier single (qui promet tant jusqu'au refrain) Bowie semble encore hanté par les évènements du 11 septembre 2001. C'est la nouvelle réalité. David se considère chanceux de ce qu'il a. Jamais il ne s'était imaginé avoir une vie d'adulte aussi aisée. Il avait toujours vécu au jour le jour comme si jamais la vie ne lui serait facile et il se surprend à avoir 56 ans, pensant ne jamais s'y rendre vivant. Il compose même un morceau (plutôt mauvais) sur la chose. Il reprend Jonathan Richman et ses amoureux modernes et George Harrison. Avec Garson, il marmite deux morceaux, Garson a vu son studio personnel brulé dans les feux de forêt californien de 2018 et a perdu tout ce qu'il avait. Instruments, matériel sonore. Tout. Il a pris un coup de vieux. Les deux morceaux qu'ils font ensemble sont aussi assez sombres et gardent ce parfum d'avant-gardisme. Bowie est écoeuré de l'invasion Étatsunienne, en Irak. Deux de mes préférées à vie de Bowie sont L'histoire d'une femme faisant les mauvais choix et une ballade naïvement heureuse. Les morceaux se suivent sur l'album. Le ying et le yang. Il use encore de la technique du cut-up dans ses créations. Une reprise de Sigue Sigue Sputnik et une autre de Ray Davies seront laissées de côté. Et une ouverture jouée au début de ses spectacles dans la tournée qui suivra ne sera pas de l'album non plus.
En juin 2003, j'ai aussi l'extraordinaire chance de voir l'amoureuse faire naitre notre fille, Punkee Lexionni qu'on appelle entre nous, Lexxi. Sans le savoir du tout, David & Iman appellent aussi leur fille, Lexi.
Le 8 septembre 2003, je travaille au paradis dans un magasin de livres, de films et de musique. J'ai l'extrême chance d'avoir accès à la première en salle d'un spectacle en direct de Bowie, voulant présenter son nouvel effort, mais jouant aussi quelques morceaux pour nous, simultanément dans toutes les salles du monde, Fantastic Voyage étant la première (de mémoire), ce qui me ravi profondément; prends une question en direct par ville, et nous présente son album qui sortira 7 jours plus tard (et qu'on reçoit gratuitement). L'animateur de radio qui pose la question Montréalaise déçoit car sa question semble vouloir davantage vouloir impressionner David Bowie et c'est une question qu'il étale sur presque 4 minutes. Bowie s'en moquera d'ailleurs. C'est avec un certain orgueil qu'on l'entendra dire, en réponse à une question d'une autre ville dans le monde, que dans ce qu'il aime beaucoup écouter présentement, sont les groupes montréalais GodYouSpeedBlackEmperor et Arcade Fire. La cinquantaine de personnes dans la salle en gargouillent.
Son ami Lou Reed travaille un album double inspiré d'Edgar Allen Poe et veut Bowie pour un morceau de son choix. Bowie choisit une histoire de Poe de 1849. Il fait une refonte de Rebel Rebel, coopère avec la blonde de Visconti, avec Earl Slick aussi.
David est sur son X. Ne se soucie plus tellement de faire des hits. Il s'amuse comme artiste, comme père de famille, comme amoureux, comme New Yorkais où le trio Iman/Lexi/David s'est installé afin de favoriser les affaires d'Iman qui vont très bien et les passages en studio qui s'y font fréquents depuis quelques années.
New York, encore plus depuis qu'on l'a lâchement attaquée, devient sa forteresse.