dimanche 30 avril 2023

Araignée Sous Verre Cette Fois

Bowie baise beaucoup.

Depuis qu'il est en âge de le faire. Son appétit sexuel est vorace. J'ai moi-même ma première relation sexuelle à 15 ans. Été 1987. J'aurai le même appétit important pour le restant de mes jours. 

Vanessa Walker, la jolie danseuse du clip d'Absolute Beginners est la partenaire amoureuse de David. Mais il n'est pas entièrement confortable d'avoir toujours de nouvelles partenaires autour de son fils de 16-17 ans ans. Ça manque de stabilité à ses yeux. 

Comme son dernier effort à déçu tout le monde, lui le premier, Bowie prends plus de temps pour tricoter son nouvel album complet. Il ne verra le jour que 3 ans après Tonight. C'est le plus long écart entre 2 albums que Bowie n'a jamais eu. Voulant capitaliser sur sa visibilité populaire du Live Aid et sur le succès de Dancing in The Streets, EMI, sa maison de disque, lance des remix de chansons de Let's Dance et de Tonight.  

À Montreux, chez lui, en Suisse, pas mal tout 1986, il raffine le studio en y important une nouvelle console et des tables de mix de nouvelle qualité. Il compose plusieurs démos et encouragera les musiciens à améliorer ce qu'il a concocté, toujours avec l'idée que ce serait son nom seulement, au final, comme auteur. David Richards est invité à produire. Richards avait co-produit l'album d'Iggy Pop de 1986, dans lequel Bowie s'était beaucoup impliqué la même année et 9 ans plus tôt, était ingénieur sur son sur l'album Heroes. Bowie engage 5 joueurs de cuivres qu'on appellera les Borneo Horns, Carmine Rojas à la base, Erdal Kizilçay un peu sur tout et son ami d'école Peter Frampton, à la guitare. Frampton (et Carlos Alomar) sera de tous les morceaux sauf trois, où Sid McGinnis est celui aux 6 cordes électriques. De manière disciplinée, de 10h le matin à 20h le soir, on travaille les morceaux ensemble. Bowie jouera des synthés, et de la guitare occasionnelle. Les sessions se déplacent à New York, au studio Power Station, pour la touche finale. 

Bowie y composera trois autres morceaux, soit la chanson titre, un rajout de dernière minute, et deux chansons qui ne seront finalement aucunement intégrées au produit fini. Un de ces morceaux sera donné à Tina Turner. Mickey Rourke, à New York, est invité pour y enregistrer un rap que Bowie intègre à son morceau le plus soul de l'album. 

Le 27 avril 1987, j'achètes pour la première fois de ma vie, et en temps réel, un album de mon artiste nouvellement préféré. En cassette. Je suis naïvement séduit les deux trois premières semaines, mais au final pas super épaté. Je ne serai pas le seul. L'album déçoit encore. Je retourne d'avantage aux anciens Bowie et accorde mes oreilles davantage au dernier U2, à So Red The Rose ou The Cure, Platinum Blonde, REM, The Smiths dont je ne me lasse jamais et à l'automne, au dernier Pink Floyd. (Que j'appelle le David Gilmour Band)

Le premier single est aussi la première chanson. Une chanson qui ne me plait pas beaucoup, alors, mais dont j'aime le hard rock soul de nos jours. La batterie lourde entre autre et la dégaine vocale de Bowie. Dans le ton Jagger. Brut. Le second morceau est composé alors que de la Suisse, on peut apercevoir un ciel étrange et sentir un drôle de vent en provenance de la Russie. C'est la tragédie de Tchernobyl qui vient de se produire. Bowie s'en inspire (et du drame de la navette Challenger, aussi toute fraiche)pour composer ce titre qui sera le second single. Et reste un de mes préférés de l'album. Ironiquement, Bowie plante Frampton à la guitare dans le clip alors qu'il s'agit d'un des trois morceaux (avec le premier single) où c'est plutôt McGinnis qui y joue sur le disque. Dans le clip de Day-In Day-Out, David fait croire qu'il joue de la guitare, mais c'est aussi McGinnis aux commandes. Le clip de Time Will Crawl est inspiré des chorégraphies d'Edouard Lock que Bowie découvre alors en voyant un spectacle de La la la Human Steps. Bowie dira que les multiples tons de voix qu'il utilise sur ce disque sont un hommage aux gens qui l'ont inspiré comme Neil Young, Scott Walker, Smokey Robinson ou Prince. La chanson suivante a toujours été dérangeante traitant d'un homme considérant que la prison en vaut la peine pour se donner à une jeune fille de 14 ans. Jamais aimé. La chanson titre est un hommage à son assistante Coco Schwab, où Bowie s'inspire de John Lennon. Ma préférée sera dès le départ la dernière de la face A. La sitar qui rappelle George Harrison, ce bruit de foule synthétisée, presque animale, la nostalgie assumée. J'adore encore. 

La face B est plus souffrante. Bien que commençant habilement avec un conte gothico-science fiction électro hard que j'aime beaucoup, les 4 chansons suivantes ne m'accrocheront aucunement. Bowie lui-même sacrifie un de ses 4 morceaux dans les rééditions qu'il n'arrive pas à aimer lui-même. Un morceau co-composé avec Erdal Kizilçay. Il clôture avec une reprise de son ami Iggy, pas fâcheuse du tout. McGinnis à la guitare.

Avant que les critiques médiocres ne tombent, Bowie a l'intelligente idée d'annoncer une tournée mondiale qu'EMI accepte. Pendant plusieurs semaines avant la sortie de l'album, il fait des conférences de presse dans 9 pays et sur deux semaines. Il accepte pas plus de 300 personnes par conférence de presse, dont un % de fans. Il informe sur la tournée à venir, l'album à venir et corrige ce qui est rapporté faussement sur lui. Habile d'un côté puisque l'intérêt y sera, ce qui fait dire oui à EMI pour la tournée, mais fatal parce que ça met la barre haute et Bowie ne l'atteindra pas par la suite. 

Bowie veut retourner à la théatralité sur scène de 1974 et Diamond Dogs. Il a l'argent qu'il n'avait pas en 1974. Il reprendra d'ailleurs beaucoup des idées et des décors de la tournée d'alors. 3 titanesques araignées sont construites de plus de 60 pieds de hauteurs et de largeur. Alomar est encore directeur musical. Frampton sera aussi de la tournée. Toni Basil chorégraphie pour 5 danseurs et pour David. Dans la foule, Melissa Hurley, danseuse et actrice de 21 ans, qui vient de tourner dans The Running Man et qui fera semblant d'être une fan amenée "au hasard" sur scène, pour danser avec son idole. Mais elle est plus que dans le coup puisqu'elle danse tout le spectacle par la suite, et est même la partenaire amoureuse de Bowie...de 19 ans son ainé. Bowie le dira lui-même quelques années plus tard. Il a atteint les bas fonds mentalement. On le voit les traits tirés partout. Déjà peu gras, il est amaigri. 

Amoureusement, artistiquement, il manque de cohérence. La tournée est accuellie avec dérision. Trop gros, voire prétentieux. Dépassé. Lorsqu'il passe à Montréal, avec Duran Duran en première partie, il est difficile pour moi de concevoir, avec le recul, que je n'ai pas eu envie de me rendre au Stade Olympique de Montréal les voir. Mais cet été là, j'ai ma première relation sexuelle, je ne fréquentes pas une fille, mais bien quelques unes. Bowie ET Duran Duran ont offert chacun en l'espace de 6 mois deux albums qui m'ont déçu, mais ce que je vis avec mesdemoiselles ne me déçoit en rien. J'en arrive même à me trouver des intérêts pour Madonna, Bon Jovi, Van Halen, Def Leppard et Europe* pour des filles. 

La tournée sera très dure pour le physique et pour le moral. Son disque est durement critiqué avec son titre qui est presqu'un plaidoyer de supplication lancé à ses fans. La pochette est passablement laide. Avant même la tournée, Bowie pratique 10 heures par jour avec son band. Il est vidé avant que ça ne commence et ça durera de mai à novembre. 

À Berlin, le mur est toujours en place encore 2 ans. Les Allemands de l'Est n'ont pas accès au spectacle sinon uniquement de l'oreille tendue. Ils se massent contre le mur pour l'entendre sans le voir, et seront tristement gazés par les autorités de l'Allemagne de l'Ouest. David et tout son entourage en seront bouleversés. Le SIDA est désormais connu et les vedettes sexuellement agitées sont des cibles faciles. L'entourage de Bowie doit étouffer des accusations de "SIDA donné volontairement à des partenaires sexuels".  Les preuves sont de toute manière presqu'impossible à alors démontrer. Mais beaucoup de vedettes sont des proies faciles aux fausses accusations. Quoique Bowie, sur le tournage de la pub pour Pepsi avec Tina Turner, aurait harcelé une jeune employée de plateau. On reprochera au rebel rebel de maintenant s'adjoindre Pepsi comme commanditaire pour la tournée. À Florence, un technicien d'éclairage plonge dans la mort en tombant du plafond. En Irlande, un fan se noie en contournant la sécurité pour entrer sur l'île où a lieu le spectacle. La plupart des spectacles étant en extérieur, l'éclairage n'est pas toujours bien représenté. Et parfois la pluie altère les projets. 

2 spectacles à Sidney, en Australie deviendront le DVD du spectacle de cette tournée, tournée pour laquelle il met 10 millions de sa propre poche.

En février de la même année, 1987, une allumée mannequin musulmane de 32 ans, parlant couramment 6 langues, devenue brillante Femme d'affaires, divorce de son mari, basketballeur.

"Jamais plus!" dit-elle. Parlant du mariage.

David, dans une crise de la quarantaine absolue dit la même chose, fin 1987, mais en pensant plutôt aux tournées de l'ampleur de ce qu'il vient de faire.

Il commence à être fatigué de lui-même. A L'impression d'être sous une bulle de verre, sans eau. Pris dans la pop. 

Il n'a pas fini de se redéfinir.

Le caméléon est même au seuil d'encore se réinventer. 



*Les 3 du milieu ont même droit à une liste de lecture sur mon téléphone: 49 m./1h24/57 m.

dimanche 23 avril 2023

Absolument Débutant Face à d'Incertains Vents

"Ouin mais Jones, Bowie y est pas gay ?"

Nooooooon. Et même si il l'était, est-ce que ça fait de moi un homosexuel ? Est-ce que c'est même important de le savoir ? 

Mes amis ne comprennent pas. Ne comprennent pas mon intérêt pour Bowie. Assez rapidement, ils le découvrent assez musicalement fameux eux aussi. Mais penchent davantage vers des compilations. Qui pleuvent depuis que DeFries n'est plus autour. Je n'ai pas encore acheté ma première cassette de Bowie. J'achètes assez peu, depuis 1 an. Pas besoin. Je prends chez le voisin d'en face tout ce qui me plait, les vendredis soirs ou les samedis matins, en 33 tours, et lui ramène sur l'heure du souper. Je recopie ce qui me tente sur des cassettes vierges et ça me suffit. Je ferai encore ça 3 ans et demi. Mon apprentissage du monde de la musique rock. Mon Spotify avant l'heure. 

Julian Temple a un film en cours qui rend hommage à la fin des années 50, adapté du roman de Colin MacInness de 1959. Pour sa trame sonore, il demande à David de composer la pièce titre. Bowie lui propose en retour de tourner le clip de sa chanson de près de 8 minutes. Dans le style des années 50. Bowie jouera aussi le rôle de Vendice Partners dans cette comédie musicale au succès discret. Je crois qu'il n'est même pas lancé en salle, en Amérique du Nord. Il compose aussi une seconde chanson pour une scène et s'inspire du riff de guitare de Material Girl de Madonna, chanson qui est alors # 1 dans le monde. Bowie s'inspire de ce qui est dans le vent, ne le souffle plus tellement. Il enregistrera aussi des versions italienne de Space Oddity et une version allemande de Love You Til Tuesday. Bowie, père de famille, apprend le repassage. Il enregistre aussi une version de Volare pour Absolute Beginners

Bob Geldof ex-chanteur irlandais des Boomtown Rats, après Band Aid en novembre 1984, prépare maintenant un giga concert qui sera appelé Live Aid, qui réunira de partout dans le monde via sattelite, technologie nouvelle pour 1985, peu importe là où les artistes se trouvent, les meilleurs artistes du moment, et dont les fonds iront aux besoins africains. Bowie voudra en être assurément. On voudra que Bowie et Mick Jagger chantent en duo via satellite une chanson en promotion du live Aid de Juillet. Bowie au Wembley Stadium et Jagger, en tournée, du John F.Kennedy Center de Philadelphie. Mais la technologie satellite offre quelques secondes de délai, ce qui empêche toute forme de coordination des voix. 

On choisit alors la chanson de Martha & The Vandellas, Dancing in the Streets, pour non seulement faire la promotion du Live Aid, mais aussi pour la première journée mondiale de la danse à travers le monde. Bowie fignole les derniers mix d'Absolute Beginners en y ajoutant la voix magique de la soeur de son guitariste, Kevin Armstrong, Janet. Jagger l'y rejoint en studio, en Angleterre et 4 heures plus tard, la chanson en duo est finalisée. On tourne le clip dans la même nuit où rien n'est réellement coordonné sinon l'idée de mettre deux grandes icônes de la musique en duo, en duel de chant et de danse. En 13 heures on offre un hit pour les radios. En Angleterre la chanson sera la 6ème plus vendue de 1985. 


Quand le Live Aid a lieu, le 13 juillet, Queen vole le spectacle.Encore aujourd'hui, dans les centres sportifs, on reprend la ritournelle de Freddie Mercury d'alors qui fait répéter à la foule ses Hey Ho! et tout ce qui suit. Bowie est prévu tout de suite après sur scène. Il n'est pas intimidé par l'immense foule galvanisée par Mercury, mais plutôt par la randonnée en hélicoptère pour s'y rendre. En effet, c'est l'unique moyen de la faire les rues d'Angleterre étant un trafic immonde ce jour-là en raison du giga-spectacle. Il n'y a pas si longtemps, il ne prenait même pas l'avion et là, il devait s'y rendre dans ce cercueil à hélice ? Une fois rendu, il joue dans l'ordre TVC15, Rebel Rebel, Modern Love et Heroes. Son band improvisé comprend Thomas Dolby aux claviers et Kevin Armstrong à la guitare. Ainsi que deux choristes féminines. C'est un grand moment prolongé de ce que Queen avait préparé déjà en triomphant un peu avant. 

Plus ou moins confus sur la direction musicale à prendre par la suite, c'est vers le cinéma qu'il se tourne. Il est adjoint à un projet en marche depuis 1983 de Jim Henson, George Lucas et le Monty Python Terry Jones. Bowie est fan des trois. Mais dès qu'il joint le film en cours d'écriture, ce film change de ton. On le voulait plus léger que The Dark Crystal, dernier projet de Henson, mais Terry Jones verra "son" film peu à peu lui échapper. Bowie, dans le rôle de Jareth, Roi des Goblins, chantera. Mais David trouve les quelques 20 versions de scénario, sans grand humour. On lui suggère alors de le rendre plus drôle lui-même. Mais le résultat convainc à moitié. Elaine May est engagée pour polir tout ça. Labyrinth réorienté vers les plus jeunes, sera un bon succès après 25 réécritures et 4 ans de travail. 

Mais avant tout ça, John Schlesinger tourne une adaptation du livre d'espionnage racontant une histoire réelle, The Falcon & The Snowman. Il demande à Pat Metheny  de composer un morceau pour son film. Metheny a un morceau instrumental sur lequel Bowie posera sa voix et ses mots. Il voit le film, s'en inspire, et livre This Is Not America, qui est, selon moi, un de ses plus beaux morceaux. La collaboration est parfaite. Quand Bowie suggère au band de Metheny de faire les voix arrières, personne ne se sent habile pour le faire. Bowie les fera alors toutes, usant de voix différentes entre 6 et 7 fois, surimposées. 

Jimmy T. Murakami adapte en film d'animation, le roman graphique de Raymond Briggs When The Wind Blows, originalement publié en 1982. Le film raconte l'histoire d'un couple âgé survivant à une attaque nucléaire. Erdal Kizilçay est dans l'oeil de David. Il travaille souvent avec lui et Bowie lui rend visite deux fois par semaine. Ils composent ensemble. Kizilçay a un effet d'explosion dans un de ses morceaux et comme Murukami a commandé 4 chansons de Bowie pour son film, David demande à Erdal si il peut utiliser son explosion pour s'inspirer de ce qu'il écrit. 

Avec lui, il est invité en studio pour le prochain effort d'Iggy Pop que Bowie a aidé à resigner avec une maison de disque. Sur 10 morceaux, il co-écrit 7 de ceux-ci avec son ami Pop. Une de celle-ci est aussi co-écrite avec le guitariste des Sex Pistols Steve Jones. Jones co-écrit deux autres morceaux avec Pop et reste guitariste pour tout l'album. Partageant le travail avec Kevin Armstrong. Bowie invite David Richards à produire tout ça avec eux. Erdal est aux synthés, à la base et à la batterie.  La dixième chanson est The Wild One reprise de Johnny O'Keefe et rebaptisée Real Wild Child. L'album sera un bon calcul commercial pour Iggy qui, avec le temps, le reconnaîtra de moins en moins en parlant d'un album principalement de Bowie et non de lui. Plusieurs des chansons sont d'ailleurs des non retenues des sessions pour Tonight, retravaillées. L'album est une fusion de la rage classique d'Iggy du son de cabaret de Bowie et d'une inattendue vulnérabilité romantique. Seul Real Wild Child sera un hit modeste, mais les ventes sont très bonnes, au Canada entre autre où il vendra plus de 500 000 fois. Une tournée pour Iggy suivra et lui remplira un peu les poches favorablement. 

Bowie, incertain de l'identité de ceux à qui il s'adresse maintenant, se sent absolument débutant partout. Même l'acteur Mickey Rourke l'a appelé voulant faire quelque chose avec lui. Bowie est père d'un adolescent dans le plus crunchy de l'adolescence. Joey a 15 ans et les cheveux bleus. Ironique de savoir que David lui pique une crise ne voulant pas qu'il sorte ainsi en public. Ziggy Stardust condamnant la différence ? Really ?  Il peint beaucoup à Vevey, maison qu'autrefois, il méprisait. Il sait qu'il a changé. Son public aussi. Mais il est incertain de la direction des vents. Qu'il ne semble plus complètement savoir lire.

Il les observe, les étudie au lieu de les inventer. 

À cette époque, je revisite tout Bowie de 1967 à 1985. Grâce à mon voisin d'en face qui a tout en 33 tours. Je baigne dans ses multiples univers. Je n'ai pas encore acheté ma première cassette de mon artiste préféré. Mais j'ai tout doublé sur des cassettes vierges. J'ai mon premier (et unique) 33 tours de Duran Duran, Arena. Dont je ne réalise pas tout de suite que c'est un album en spectacle. J'ai 13 ans. Je voudrai les 20 ans des gars de Duran Duran, mais l'audace de Bowie. 

J'aurai pas mal les deux. Dans une envergure modeste. J'ai été chanceux avec les Femmes. Je crois aussi avoir du flair.

Bowie est surstimulé par Erdal Kizilçay. Ce multi-instrumentiste principalement jazz peut passer du violon à la trompette, au corps français et au xylophone en finissant à le percussion atterrissant en faisant du Beatles. 

Il peut produire alors tous les sons.

Bowie a encore de la vision. 

Il est loin d'avoir fini de joindre les deux.  

dimanche 16 avril 2023

Visage Bleu, Cheveux Jaunes

1984 est une année fétiche dans ma vie. Là où j'habite, un fiasco financier se prépare. Québec n'a pas les reins de Montréal, je le comprends dès mes 12 ans, et la ville ne s'en remettra jamais, gardant un impressionnant complexe d'infériorité assez indécrottable. 

Inconsciemment, je sais déjà que je n'aurai pas envie de grandir, passé ma majorité, sous cet esprit de clocher. 

Ce que je découvre, dans ma rue composée majoritairement de filles, chez les enfants, c'est que chez un rare ami de sexe masculin, dans les blocs appartements en face de chez nous, son père, Roger Spotify, achète systèmatiquement tous les 33 tours qui sortent chaque mardi dignes d'intérêt. Et pour la musique, Roger a un très grand intérêt. Ils ont une pièce entière consacrée à ses disques, soigneusement rangés par ordre alphabétique. Il accepte que je lui emprunte quelques disques (une dizaine), chaque samedi matin, disques/artistes que j'explore tout mon samedi, faisant le plein de ce qui me plait sur cassettes. Roger sera mon Apple Music/ITunes/Spotify/Allmusic avant l'heure. Sa générosité me permet de faire ceci sur facilement 10 mois. De Abba à ZZtop.  

Des dizaines et des dizaines de cassettes dont j'en ai encore plusieurs. 

Les filles commencent à s'intéresser à moi, et vice-versa. Dans un an, je m'achètes mes premières cassettes originales. Reckless de Bryan Adams et The Dream of the Blue Turtles de Sting. Achetées le même jour. Surécoutées. Quand je reviens de l'école, j'écoutes coup sur coup CTV qui me présente une paire de lunettes dont les oeillères me montrent des clips musicaux. Aucune animation, simplement des clips. Ensuite, sur CBC, Samantha Taylor anime une émission où elle me parlera de 4 ou 5 clips d'artistes de l'heure. Je suis à l'école du rock tout 1984. 

Bowie arrive vite dans l'ordre alphabétique des disques de Roger. B.

Je découvres alors Let's Dance et tout ce qui vient avant de David. Je CAPOTES. Si varié, si audacieux. J'aime tout. Mais à partir de septembre, j'aime encore plus car je découvre (par Roger) son 16ème album, dont le premier morceau m'ouvre le ciel. Alors, je ne pense pas avoir connu meilleure chanson sur terre. Mais l'album en soi ne sera pas assez pour que j'investisse des sous dessus, je ne suis que camelot et la fonction de passeur de journaux n'est pas ce qui est de plus payant. J'investirai au contraire sur le Bowie passé. Que je découvres avec passion. Qui est ce martien comme moi qui aime l'étrangeté ?

Bowie vient de connaitre un immense succès populaire suivi d'une tournée mondiale épuisante, mais qui le rend toujours plus riche. Il réalise qu'il ne connait plus son public. Dans les premiers mois de 1984, il prends des vacances en Indonésie, à Bali & Java, avec son ami Iggy Pop, qui ne roule pas sur l'or. David veut retravailler avec Iggy, mais EMI pousse rapidement Bowie en studio afin de faire un Let's Dance 2. Bowie ne se sent pas prêt. Il ne le sera pas tant. Il a envie de continuer d'explorer le R & B, le funk, le reggae aussi. Il ne fera pas affaire avec Rodgers, ce qui le surprend. David veut prouver qu'il serait en mesure d'y arriver sans son aide. Mais il peine. Hugh Padgham, qui a produit XTC, Genesis avec Phil Collins, Peter Gabriel, et plus récemment The Police, qui a aussi été au sommet du monde pop, en 1983, est alors amené en studio. Ce studio est à Morin Heights, au Québec, à 54 minutes au Nord de chez moi et à 36 minutes de notre condo du Nord actuel. C'est Pagdham qui suggère Le Studio de Morin Heights, puisqu'il vient d'y enregistrer Sinchronicity de The Police, avec succès. Où Rush y a aussi brillé. 

Derek Bramble, anciennement de Heatwave, plus récemment, aussi producteur, est recruté par Bowie lui-même à la base, à sa grande surprise. Alomar est toujours à la guitare et sa surprise à lui est de voir David entrer en studio avec 9 à 11 chansons, ce qu'il n'avait jamais fait avec lui depuis 1974. Mais ce ne seront que des esquisses. Mark Pender, de la tournée, est gardé aux cuivres. Curtis King est gardé au choeur, George Simms aussi. Guy St-Onge, Québécois bien de chez nous, est aux marimbas, un xylophone africain omniprésent qui donne une saveur différente à l'album. Un aspect tropical. Sur Loving The Alien, son jeu est indispensable. Iggy participe beaucoup. Avec David, on se saoule, et dans une session intense de 8 heures, où la libre association est maître, on compose ensemble deux morceaux. Dont un est aidé de Carlos Alomar. Omar Hakim est engagé à la batterie et Carmine Rojas fait aussi un peu de base. 

L'année d'avant Bowie avait été accessoire dans le retour sur disque de Tina Turner, facilitant sa signature avec Columbia Records. Tina connaîtra une véritable renaissance. Reprenant même 1984 sur son album. Une chanson dans laquelle elle chantait déjà 10 ans avant. David l'invite à chanter avec lui sur la chanson titre de son nouvel album, une reprise d'une chanson d'Iggy Pop, moins soul, plus tropicale. Bramble aura de la difficulté à dire à Bowie que ce qu'il enregistre est mauvais. Bowie présente du plus sombre et compliqué, mais on le redirige toujours vers plus pop. Bowie compose un pastiche rock du gars qui veut se trouver une fille, et développe sur une critique des religions sur ce Loving The Alien qui restera toujours un de mes préférés morceaux de Bowie, mais que pour sa part, il n'aime pas, car il sent qu'il a pris la mauvaise direction musicale. Il la refera acoustique beaucoup plus tard. Plus près de ce qu'il s'était toujours imaginé.

Bowie, en panne de création, tiens aussi à aider le portefeuille de son ami Iggy. Il tente des versions jazz, rock, une marche militaire et une version ska, mais choisit une version reggae d'un des morceaux que Pop avait composé avec James Williamson, en 1979.  Il reprend un autre morceau de Lust For Life, qu'il avait en partie signé (comme Tonight) mais sur lequel Ricky Gardiner avait été co-auteur. Pour finir, il reprend un classiques des Beach Boys et un morceau de Chuck Jackson de 1962. 

Bowie, Bramble et Pagdham seront le trio de production. Inspiré d'une peinture de Vladimir Tretchikoff, il commande une pochette dans le même ton.

L'album sort en automne, le premier single Blue Jean, 14 jours avant. Ce single sera accompagné d'un mini film d'une vingtaine de minute où Bowie y joue deux personnages. Dont Screamin' Lord Byron, un artiste de la scène au visage bleu. À Temple, dans le clip, il le clôture en zoom-out avec sa philosophie de carrière. My song, my concept, my name.  C'est même presqu'une chicane. Parlant "chicane", Alomar ne sera pas toujours d'accord avec les sous qu'on lui verse. 

On pas aussi patient que de nos jours avec les singles, et deux mois après Blue Jean, la chanson titre est aussi lancée en single, mais pas de vidéo ne l'accompagne. En novembre, Bowie rate l'invitation de Bob Geldof pour son idée de Band Aid. Il s'en voudra. Il chantera en revanche sur le remix 12 pouces Feed The World

Début 1985, J'ai eu ma première blonde. C.P. J'étais aussi son premier chum. On s'est embrassé. On se tenait la main. J'ai peut-être touché ses seins. Elle, mon endurci machin. On s'est aimé pas super longtemps. On était vertes recrues de l'amour. On avait 13 ans.
La dernière fois que David a vu son demi-frère, c'était il y a 4 ans. Après une tentative ratée, Terry se lance devant un train et ne rate pas son suicide cette fois, tôt en 1985. David s'en voudra beaucoup. 

Quand, en mai 1985, le clip de Loving the Alien est lancé, se cimente alors ma passion Bowie à jamais. Le voir le visage encore en bleu, le cheveux jauni, est une image forte. Je le découvre musicalement depuis une dizaine de mois, cockney, hippie, rock' n roller, martien, proto-punk, soul, Krautocker, expérimental, pop...je le comprends soudainement audacieux. Précurseur. 

Sur un album où il ne signe tout seul que 2 chansons, avec l'une d'elle, il me happe pour de bon et me garde dans son sillon sonore pour toujours. Avec deux clips coup sur coup où il a le visage bleu. Bleu comme l'étendue du ciel.

Bowie ne fera jamais rien comme tout le monde. Il est unique.

Hunter est aussi unique. Rare sont les Québécois baptisés Hunter. Et comme si tout ça était prédestiné, mon père est un Jones. Il a l'âge exact de mon père.

Doppleganger time

À partir de maintenant je n'ai plus une fréquentation hasardeuse avec ce qu'il fait. Je le surveilles et l'attends. Je le cherche ailleurs. J'ai un nouvel ami. même si cet album est un creux musical abyssal pour David. 

 Zowie ne se fait plus appeler Zowie. Plutôt Joey. 

Joey changera encore de prénom. 

Son papa n'en a pas fini avec les sons. 

 

dimanche 9 avril 2023

Pop Gomme Baloune

Bowie n'avait pas envie d'une tournée suivant Scary Monsters (& Super Creeps). Ce qui était arrivé à Jonh Lennon l'avait terrorisé. Et il était tout de même sans contrat de disque. Sans gérance. 

En vacances dans le Sud avec son fils, il explore un paquet d'albums de sa jeunesse. Du blues, du soul, du R & B, de la musique joyeuse. Il a envie d'être heureux. Il couche avec beaucoup de femmes différentes. Il a invité des jeunes qui se sont maintenant parti des bands dans son clip de Ashes to Ashes. Ça confirme du même coup qu'il n'est plus jeune lui-même. Il n'a pourtant que 36 ans. Mais dans le monde du rock'n roll, c'est ancestral.

Ami et fan des Monty Python, Eric Idle l'invite à faire un caméo "sexuel" dans YellowBeard

Dans un bar de New York, au Continental, l'ancien membre de la formation Chic, Nile Rodgers et Billy Idol le croisent dans le bar. Même que Billy est si intoxiqué qu'il ne croit pas que cet homme en complet veston est Ziggy Stardust. Et ne peut s'empêcher de vomir. Rodgers et Bowie font connaissance et se trouvent beaucoup de points en commun. Rodgers a fait de miracles il y a deux ans pour Diana Ross, en production, mais est dans un léger creux productif. La campagne anti disco des dernières années ne l'ont aidé en rien. Rodgers allait à l'école avec Vandross, Alomar, Davis. Bien qu'ils ne seront pas du prochain album, voilà une connexion entre Rodgers et Bowie. David écoute le premier album solo de Nile, qu'il vient de lancer, et lui dit que si il lui tricote un album ne serais-ce qu'à moitié aussi bon, il sera le plus heureux des hommes. Les premiers démos de David de Let's Dance, sont même avec Alomar.

David vient de tourner pour Tony Scott The Hunger, avec Catherine Deneuve et Susan Sarandon. Cette dernière et lui sont même un couple au lit quelques temps. Jouer un vampire. Pas tellement étranger à lui. Il tourne aussi pour Nagisa Oshima dans Merry Christmas Mr.Lawrence. Il y joue un personnage capital, prisonnier de guerre au Japon, qui se sent coupable de ne pas s'être assez occupé de son jeune frère handicapé. Ça aussi semble assez prêt de sa propre vie. Son demi-frère ainé Terry est enfermé dans une aile psychiatrique et quand celui-ci tentera de se suicider, David se sentira coupable et ira le visiter un peu. Lui promettant de revenir. Ce qu'il ne fera jamais. 

Rodgers réserve le studio où il a lui-même enregistré de gros hits avec Chic et où Bowie venait d'enregistrer Scary Monsters. Bowie lui apporte les premières maquettes de la chanson titre du prochain album et Ricochet. Rodgers reste dubitatif. Il doit apeller Alomar pour lui demande si c'était le style de Bowie de lui faire entendre du très mauvais afin de tester si il savait le détecter. Alomar lui dit que non. Il vampirisera. Crée, il vampirisera. Très vite, en deux semaines, on tricote Modern Love, Let's Dance, Without You, Ricochet et Shake It. Bowie est très souvent dans le corridor, Rodgers signe beaucoup des accords. Bowie, Amène un guitariste qu'il avait découvert en Suisse, Stevie Ray Vaughan afin qu'il colore certains morceaux. On ajoute deux reprises. une des siennes qui avait été enregistrée en 1976 avec Iggy, une autre de la formation Metro. Vaughan fera co-habiter rock, blues et funk. Rodgers ajoutera beaucoup de funk. 17 jours seulement et l'album est mixé et est prêt à être livré. On ajoute une version plus rock de Cat People (Putting Out Fire). On lance le disque en avril. Avec la chanson titre en premier single et un clip tourné en Australie. On y tournera aussi le clip pour China Girl. Le second single. La jeune femme du clip et David, oui, seront aussi partenaires sexuels. Il a une drive sexuelle importante. 

Quand EMI avait entendu le disque, la maison de disque s'était battue avec d'autres maisons de disques pour signer Bowie. Qui le fera pour 17 millions. L'album sera #1 dès sa sortie en Angleterre, pendant 3 semaines. Et reste parmi les meilleurs vendeurs pendant plus d'un an. En Amérique aussi, 69 semaines dans les meilleurs vendeurs. Le troisième single, Modern Love, me le fait remarquer. Pour vrai cette fois. J'accroche beaucoup sur cette chanson. J'adore même. Encore aujourd'hui, sur ma liste de lecture de jogging de 30 minutes, quand je fais du tapis roulant, cette chanson est en plein milieu pour me faire garder le rythme. Entre Push It et Locked in the Trunk of a Car.  

Cette fois, je remarque davantage ce bleaché chanteur. Bowie. Qui est-il ? Je suis en 5ème année. Je n'ai pas les moyens d'explorer trop. Mais dès l'an prochain, la donne changera complètement pour moi. Mais alors complètement.

Let's Dance rend Bowie très riche. Mais plusieurs lui reprochent d'avoir vendu son âme aux radios. On trouve qu'au lieu de diriger la parade et de montrer le chemin, il ne fait que prendre le train. Aucune audace. Bowie le sait. Il ne voulait pas user d'audace. Il voulait se faire plaisir. Et se remplir les poches après des années à avoir l'impression de se les faire vider. Ça aussi, ça fait du bien. 

Mais ça fait également des dommages collatéraux. Tony Visconti, à qui on avait dit de réserver du temps à la production apprend de Coco Schwab, assistante de Bowie, qu'il n'est pas de l'équipée. Visconti en sera très blessé. Ne travaillera plus avec Bowie avant presque 20 ans. 

Le multi-instrumentiste d'origine turque Erdal Kizilçay fait ses débuts sur cet album. Il sera fréquent collaborateur de David. Afin de capitaliser sur le succès, on part en tournée, The Serious Moonlight Tour. David ne sera que lui-même. Tout le monde en pastel. Et Bowie en red shoes to dance the blues.  Un mois après la sortie de l'album, on commence la première tournée de Bowie depuis 5 ans. Ce sera un triomphe mondial. Stevie Ray Vaughan veut en faire partie et veut même que son band, Double Trouble, fasse la première partie. Mais Ray Vaughan est axé sur la drogue et les excès toxiques et Bowie s'en sort tout juste. Vaughan arrive avec un entourage destructeur. Bowie est ailleurs. Vaughan est littéralement laissé sur le trottoir en train de plaider sa cause. 

Earl Slick est amené à la guitare en urgence, Alomar est directeur musical et guitare rythmique, Carmine Rojas est à la basse, Tony Thompson est à la batterie. Dave Lebolt est aux claviers. Steve Elson, Stan Harrison, Lenny Pickett aux cuivres. Georges et Frank Simms aux choeurs. Du 18 mai au 8 décembre on part de Bruxelles, on fait 5 continents pour finir à Hong Kong.

On avait choisi de tourner, il y a deux ans, avec David Mallet, des clips en noir et blanc, où Visconti y joue de la double basse, Coco Schwab feint de jouer de la guitare de dos, le saxophoniste Andy Hamilton s'y trouve et le batteur de Simple Minds, Mel Gaynor aussi. Le 45 tours de Wild is the Wind avait été relancé en novembre 1981, le clip fait surface davantage en 1983, quand justement Simple Minds commence à prendre son envol. 

En tournée on a récupéré quelques idées de la tournée de Diamond Dogs. On le fera encore plus dans la prochaine grande tournée. Mais on ne joue que Rebel Rebel de cet album.  Il passe au Colisée de Québec le 11 juillet 1983, et est à Montréal, les 12 et le 13. 

Il apparait sur mon calendrier du FM 93 de 1984. Ce calendrier met en photos 12 fois, des artistes sur scène qui sont venus au Colisée de Québec dans l'année. Cette fois, je suis forcé de remarquer Bowie une trentaine de jours. 

Bowie est devenu pop gomme baloune. J'ai 12 ans. Je suis gomme baloune. 

Il tourne une publicité avec Tina Turner pour Pepsi, mais cette publicité sera retirée quand des accusations d'harcèlement sexuel tombent contre Bowie et Pepsi ne tient pas à y être associé. Il ne sera pas trouvé coupable. Mais on sait que David a le pénis agile.

À Blondie, qu'il voulait convaincre de passer la nuit au lit avec lui, il lui avait demandé clairement:

"Do you think I can sleep with you?"

"Can you ?" avait été la réponse amusée et flirteuse de Blondie. 

C'était avant qu'il ne lui expose son pénis, version précoce de la dick pic de nos jours. 

"Je croyais que Bowie faisait passer l'art d'abord" dira Nile Rodgers de cet album "Je pensais faire Scary Monsters 2". Ils seront plusieurs à penser ainsi. Mais David n'est pas fâché d'enfin faire le plein d'argent qu'il sent entrer directement dans ses poches. C'était le premier album de sa carrière où il ne jouait d'aucun instrument. Il expose désormais de plus en plus clairement sa politique d'auteur voulant qu'il soit unique auteur de tous les morceaux (à sa discrétion) qu'il donne son nom et sa réputation en échange. 

Tonight ? Really ?

Tout ça sera de plus en plus clair dans les années à venir.

Dès l'album suivant même. 

Un album terrible, un de ses pires, mais qui étrangement, change ma vie. 

dimanche 2 avril 2023

Le Dernier Bon Album

Je ne suis pas d'accord avec mon propre titre. Son dernier bon album sera lancé dans quelques 15 ans. 

Mais plusieurs facteurs font en sorte que fans et critiquent trouvent en Scary Monsters (& Super Creeps) un dernier bel effort. Il s'agit du dernier avec Tony Visconti à la production avant un certain temps. C'est l'absolu tout dernier avec le tandem magique Dennis Davis/George Murray à la rythmique (batterie & base respectivement). C'est aussi le dernier sous la gérance "officielle" de Tony DeFries, contrat que se termine fin 1982, et le dernier prévu pour l'étiquette RCA.  Bowie n'a pas aimé la conception, la réception et la promotion de Lodger, il veut vite changer la direction et vise quelque chose de plus axé sur les guitares et surtout beaucoup plus commercial. On commence à le copier et à parler de lui presqu'au passé, il n'aime pas ça. C'est pas du jeu

MTV promet de naître et Bowie veut en être. Il a déjà fait du video, les images ont toujours été un élément important dans sa carrière, il est temps d'en jouer et d'embrasser ce qui s'en vient. À l'automne 1979, voyant un spectacle de son ami Lou Reed qui met entre autre en vedette l'architecte guitariste Chuck Hammer, David est si impressionné qu'il l'engage pour son disque. Carlos Alomar en sera aussi. Toujours à la guitare rythmique. David réinvite aussi Robert Fripp. Pour au moins 6 morceaux. Et Pete Townshend, guitariste de The Who sera d'un morceau, aussi. Il veut de la guitare, il en aura. Pourtant il a payé et réservé Adrian Belew, qui était de Lodger, mais ce dernier ne sera pas rappelé. Il en sera déçu, mais hey, il a quand même été payé. Pour disponibilité.

L'ironie veux que j'ai toujours trouvé que cet album était un album printanier, et justement, il a été créé, printanièrement. Ça me plait de partager ce flair qu'avait Bowie. 

De février 1980 à avril de la même année, David est en studio. Ne veut plus improviser ni écrire en studio. Il arrive préparé avec des textes écrits sur deux mois. On enregistre au Power Station Studio de New York. On fera aussi des enregistrements en Angleterre, à Londres. Sa "trilogie berlinoise" a été un succès critique, mais pas excessivement payante pour la maison de disques, RCA. En est-il encore capable ? Veut-il rendre RCA ou DeFries riches ? 

 La chanson d'ouverture devait être chantée avec celle qui est aussi son amoureuse alors, l'actrice d'origine japonaise Michi Hirota, qu'il découvre sur scène dans une version de The King & I. Mais comme la traduction de ce qu'on donne à Hirota est mal rythmée par rapport à ce que Bowie chante, on choisit alors de lui faire dire le texte de manière presque virile, pendant que Bowie chante et hurle comme un pur dégénéré. Bowie reste expérimental tout de même. Punk burlesque. On fait aussi une version plus conventionnelle et sur un rythme ralenti. Bowie seulement. Et de légères variations dans les paroles. Il s'agit d'une chanson de l'époque de The Man Who Sold The World d'il y a 10 ans qui s'appelait Tired of my Life. Bowie veut ouvrir avec ce morceau qui place dans un état de frayeur qui sera suivi d'un morceau beaucoup plus rayonnant, d'abord appelé Cameras in Brooklyn, aux propos dadaïste inspirés du peintre allemand Hans Richter, lui empruntant même les lignes The vacuum created by the arrival of freedom and the possibilities it seems to offer. En effet Bowie se découvre une saine liberté séparé de DeFries, Angie, et bientôt RCA, maison de disque dont il reste aigri trouvant qu'ils gèrent sa carrière "au passé" multipliant les compilations et les succès passés. Rare chanson chantée en harmonie de bout en bout (avec Chris Porter et Lynn Maitland)

La chanson titre inspirera The Smiths. Il s'agit d'une refonte de Running Scared que Bowie présente à Iggy Pop en 1975 inspirée maintenant de la batterie de Stephen Morris de Joy Division sur She's Lost Control. La tension continue dans une frayeur démentielle avec les guitares distordues de Visconti, Fripp & Alomar formant un vent de panique est encore très intéressante de nos jours. Roy Bittan, du E Street Band de Bruce Springsteen, qui était aussi apparu sur Station to Station, enregistre dans le studio voisin, l'album The River du Boss et sa gang. David l'invite sur ce qui s'appelle alors People Are Turning To Gold qui se veut une comptine dans le genre qui l'a marqué, enfant: Inchworm de Danny Kaye. Bittan y joue d'un piano électrique à la suggestion de Visconti et Andy Clark ajoute quelques claviers. Le morceau, agrémenté de la guitare nettement originale de Chuck Hammer, sera un immense succès. Un #1 en Angleterre pour Bowie et un moment marquant de sa carrière alors qu'il revisite ses personnages du passé, Pierrot dans le clip qui rappelle ses années de mimes avec Lindsay Kemp et Major Tom, astronaute devenu junkie. Clin d'oeil à ce que Bowie a aussi été il n'y a pas si longtemps. 

Le clip, car ce sera le premier single en août, est lancé un mois avant la sortie de l'album et sera le plus coûteux investissement dans ce qui est encore assez rare à 250 000 Livres Anglaises (2 millions de nos jours). Une ancienne amoureuse, Natasha Korniloff est responsable des costumes. David Mallet y est encore à la réalisation et utilise un jeu de couleurs alors encore tout neuf pour l'époque. Dans le clip, Bowie se rend dans un bar qui lui rend hommage, le Blitz. et y recrute les gens qu'il trouve les plus intéressants, donc Steve Strange qui sera bientôt de son propre band, Visage.  La pochette de Brian Duffy sera inspirée des costumes et maquillages de ce clip. 

Fashion, d'abord appelée Jamaica, est inspiré d'un reggae que jouait Andy Clark avec son synthétiseur et d'un morceau de 1971 retravaillé. Dans le clip Bowie montre "A brand new dance" avec son band, qui comprend étrangement le bassiste de Hall & Oates, au lieu de George Murray.  Bowie citera le mouvement de piano à 1:02 et le même à 2:51 sur Blackstar (2:10 et ailleurs) sur son album final. Le mouvement fait dans le clip à 0:32, est le même que font deux femmes dans le clip de Ashes to Ashes à 1:11. 

Le second coté de l'album est nettement plus faible. It Happens Everyday devient Teenage Wildlife où Bowie s'adresse à lui-même, adolescent, et écorche ses imitateurs, mais vise aussi son fils de 9 ans. J'en ai alors 8. Je ne connais pas vraiment encore David et son oeuvre, mais ça ne saurait tarder, à cet âge commence pour moi une série de passion (le hockey, la musique, la lecture, les films, les cartes de Star Wars/Hockey/baseball).  Il reprend I Am a Laser qu'il avait composé pour les Astronettes, et en fait Scream Like A Baby, au propos plus social. Carlos Alomar suggère de refaire un morceau de Tom Verlaine de son dernier album. Bowie invite Verlaine qui branchera sa guitare dans pas moins de 30 amplificateurs différents. Et au final on ne gardera rien de ce qu'il a fait, Chuck Hammer refaisant tout

Pete Townshend arrive avec une attitude de marde, plein d'araignées au plafond, amer de situations personnelles qui l'écoeurent, et une bouteille de vin qu'il avale presque d'un trait. Il n'offre qu'une demi-heure mais c'est selon moi ce qu'il y a de mieux sur l'album. L'intro de Because You're Young (dont le reste est assez ordinaire) devrait être ma sonnerie de téléphone depuis des années, mais je suis trop dinosaure pour y arriver tout seul. Faudra que je parles à des plus jeunes. Bowie, dans l'esprit de Sgt Pepper's Lonely Heart Club Band, clôture son album avec une reprise modifiée de la chanson d'ouverture. Un morceau instrumental sera laissée de côté, utilisée (alors) seulement dans un commercial, au Japon

En août, Bowie est demandé pour remplacer Philip Anglim qui a d'autres engagements afin de jouer au théâtre John Merrick dans The Elephant Man de Bernard Pomerance, ce personnage inspiré de l'homme difforme du 17ème siècle du même nom, sauvé du cirque par des scientifiques, mais jamais complètement heureux. Bowie sera un triomphe au théâtre, de Denver, de Chicago et finalement à Broadway. 

En décembre 1980, John Lennon est assassiné devant chez lui par un déséquilibré, à New York. Ce même déséquilibré avait un billet pour aller voir The Elephant Man le lendemain. John & Yoko aussi devaient s'y rendre, Tous les trois étaient de la première rangée. Sur le billet retrouvé chez l'assassin était encerclé le nom de Bowie au crayon feutre noir. Était-il le plan initial du désaxé ? Le plan B ? Sa prochaine cible ?

Bowie choisira de jouer quand même le lendemain de la tragédie. Dans la première rangée, trois bancs vides. Ce n'est que plus tard qu'il apprendra à qui appartenaient ces bancs. Terrorisé et déprimé à la fois de perdre cet ami ainsi, il revient se terrer en Suisse pour 1981. S'engage un garde du corps, un ancien militaire qui est mesure de tuer au besoin. 

Bowie, en Suisse, a une amitié avec le band Queen avec lesquels il croise le chemin depuis toujours. À Montreux, Queen enregistre des voix sur un morceau de leur album Hot Space qui s'y travaille. Mais trouvant que sa voix n'est pas à la hauteur de ce qu'il pouvait offrir, il leur demandera de retirer celle-ci du produit final. En revanche, John Deacon ne cesse de faire ce petit riff de base qui accroche tout le monde. Bowie et Mercury tricotent autour de ce riff et concoctent ensemble un des plus mémorables morceaux des deux artistes. La somptueuse Under Pressure, qui comprend les bouleversantes lignes toujours d'actualité (ma bible):  Cause love's such an old fashionned word, and love dares you to care for the people on the edge of the night and love dares you to change our way of caring about ourselves (...) this is ourselves, chantées par Bowie, vers la fin.

J'en ai encore des frissons de nos jours. Et les ai écrits à des homophobes encore la semaine dernière.

 Depuis la mort de Lennon, il n'a pas le réflexe de la scène. Et si ça donnait des idées à quelques déséquilibré(e)s ? On lui demande des images de lui en spectacle pour l'excellent mais glauque Christiane F.-Wir Kinder Vom Bahnhof Zoo, film Allemand culte d'Uli Edel.

On lui demande de participer à Baal de Bertold Brecht comme acteur et d'offrir 5 chansons. On pratique un mois et on tourne pour la télévision sur BBC2, en mars 1982. peu de temps après, Paul Schrader choisit d'adapter le film français de 1942,  La Féline de Jacques Tourneur. Il demande au roi du disco de Munich Giorgio Moroder de s'occuper de la trame sonore de son film en cours. Depuis 1969, Moroder a donné à Munich une solide réputation de ville musicale. Il a oeuvré avec les Rolling Stones, The Human League, Donna Summer, Queen. Il a rendu la trame sonore de Midnight Express si bonne qu'il gagne l'Oscar de la meilleure trame sonore. Il est aussi derrière Call Me de Blondie, pour American Gigolo.  

Moroder veut Bowie pour la chanson titre et se rend le rejoindre à Montreux. Bowie prend moins qu'une heure pour lui faire le morceau. Moroder n'a jamais travaillé aussi vite, il demande de faire davantage de prises. Bowie trouve que c'est parfait comme ça, après deux prises. Moroder concède. Ce sera son travail le plus rapide, mais aussi, selon lui, son meilleur. 

J'ai 10 ans, je vois peut-être pour la première fois, du moins je prends conscience de ce que je vois, David Bowie en Pierrot dans le clip de Ashes to Ashes. Quelle drôle de chanson. Moi qui écoute alors Iron Maiden (inspiré par les trames sonores de mes vestiaires de hockey, où j'y brille tant que je gagne un championnat des marqueurs, 109 pts, 67 buts, 42 passes-Flex), Madness ou Dexy's Midnight Runner

Bientôt j'achèterai les 33 tours Startracks de K-Tel et Rock'83, aussi de K-tel, des compilations qui m'ouvriront les sens et qui reprennent des succès de 1982 ou 1983. Mes deux premiers 33 tours à vie.

Pour l'instant, Bowie m'est juste étrange et pas vraiment sous le radar.

Je me pense étrange moi-même, mais ne le sais pas encore entièrement. Je ne détonne pas tant. Sinon que je suis bon à l'école et meilleur encore au hockey. 

Personne ne sait vraiment que je suis catégoriquement d'une autre planète. 

Ça restera secret. 

1982 se ferme, Bowie n'a plus de contrat de disque, plus de gérance, plus d'épouse. 

Mais bien des conquêtes brouillonnes. 

L'Adieu Parfait

En 2013, après de rares apparitions publiques depuis plus de 10 ans, son album The Next Day connait un franc succès. Le 25 mars de cette mê...